Du confinement et de ma pauvreté

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Au 32 ième jour de confinement scrupuleusement respecté non pas par discipline, obéissance, vertu, sens civique mais par le désir que le covid 19 ne passe pas par moi comme le sida n'est pas passé par moi et donc pour sauver des vies, je me sens riche de nos six enfants et huit petits-enfants. Mais je me sens pauvre de ne plus les voir, les toucher, les embrasser "pour de vrai". Nous avons fait une fois une communication tous ensemble par whatsApp. Je n'ai pas recommencé et je n'ai pas demandé à nos enfants de recommencer. Les voir sur l'écran d'une tablette ou d'un ordi c'est comme voir des choux à la crème dans la devanture du pâtissier avec l'interdiction de les manger (d'amour bien sûr). Ils me manquent. Mais je me sens riche de toutes les petites choses que nous avons faites ensemble. Petites choses qui font notre histoire familiale. Seul dans le confinement au fond de mon jardin ou de mon lit, je me refais le fil de ma vie avec eux. Je chasse les mauvais souvenirs de mon esprit, je ne garde que le bon, le beau, le bien.

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Au 32 ième jour de confinement scrupuleusement respecté non pas par... etc...etc... je me sens pauvre de ne plus avoir de contacts "pour de vrai" avec les bénévoles du CCFD Terre Solidaire, des Captifs la libération de Bordeaux, de l'union d'aide à domicile de Casteljaloux, du club de judo casteljalousain, de la radio locale. Ils me manquent. Mais je me sens riche de toutes les petites choses que nous avons faites ensemble. Petites choses qui font notre Humanité, notre fraternité. Seul dans le confinement au fond de mon jardin ou de mon lit, je me refais le fil de ma vie avec eux.Je chasse les mauvais souvenirs de mon esprit, je ne garde que le bon, le beau, le bien.

 

Au 32 ième jour de confinement je ne compte plus les nuits passées les contrevents ouverts, les rideaux ouverts ( mais les fenêtres fermées, en avril ne te découvre pas d'un fil) à regarder le ciel étoilé. Je me suis senti pauvre spirituellement, en panne de Dieu, en panne de prières. Je percevais trop la présence du Diable dans les ténèbres de la nuit et des jours qui n'en finissent pas à ne plus pouvoir sortir, aller ici et là à ma guise. Mais je me suis senti riche de tout ce que j'ai trouvé à faire dans la maison et autour de la maison.

 

J'ai enfin trouvé le temps de ranger des livres, de ranger des notes de lecture, De faire tout ce que je repoussais aux lendemains qui chantent.

 

Au 32 ième jour de confinement scrupuleusement respecté j'ai enfin fait mienne la pensée de Jacques Prévert: "D'abord la peur de la mort puis la mort de la peur et enfin l'amour de la vie". Je n'ai jamais autant aimé la vie que depuis que je sens que je n'ai plus la vie devant moi. Je me sens pauvre de jours encore à vivre et riche de la capacité de savourer ceux qu'il me reste à vivre. J'aimerais mourir de mort lente mais pas trop douloureuse et surtout pas tout de suite, J'aimerais mourir avec quelqu'un qui me tient la main au moment du mauvais passage.

 

Au 32 ième jour de confinement scrupuleusement respecté non pas par discipline, obéissance, vertu, sens civique mais par le désir que le covid 19 ne passe pas par moi comme le sida n'est pas passé par moi et donc pour sauver des vies, je me sens pauvre de cette solitude imposée par les circonstances et riche de cette solitude qui me laisse du temps pour écrire.

"Tout le monde va à la solitude. Tout le monde vieillit seul, meurt seul. La solitude attend chacun comme un paradis ou un enfer. Comme la mer attend le naufragé. S'il sait nager, elle le sauve. S'il ne sait pas nager, elle le noie. Mais au vrai, la solitude et la mer ne noient ni ne portent. On y est porté ou noyé selon soi et non selon elles."

"Frère Antoine, une bouffée d'ermite", collection livre de poche "Pocket", ISBN 2-266-09453-x

 

De la pauvreté du débat politique et de ma pauvreté pour y participer

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

Le Covid 19 a plongé notre pays dans un état jamais atteint par les plus fortes grèves que notre pays aient connu à ce jour. Pour beaucoup de personnes c’est la faute aux gaulo-communistes, à l’état omni-présent, aux fonctionnaires, à la société française héritée du front populaire, à la gauche, aux gauchistes etc…etc… Pour d'autres la faute de ce que nous vivons est rejetée sur les divisions suicidaires des droites françaises, sur le libéralisme, la loi du marché, la globalisation, la mondialisation, la faiblesse et les divisions des états européens etc… etc… Les réalités quotidiennes de l’épidémie ont balayé les contreverses sur les migrants pauvres, le foulard, le voile, la burqa, l’islamo-fascisme, le grand remplacement etc… Les questions qui se posent désormais à nous sont multiples. De quoi demain sera fait? De plus du monde d’hier? Ou de moins du monde d’hier? Car sur le fond l’ampleur du Covid 19 elle est surtout due à notre mode de vie et de consommation. Un avion par seconde décollait dans le monde d’hier. Nous mangions en toutes saisons des fraises, du raison, des mangues, des asperges. Et nous trouvions cela normal. Nous trouvions normal de payer moins cher la nourriture que du temps de nos grands parents. Et nous trouvions normal qu’il y ait des riches et des pauvres, et des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres. Une fois l’épidémie de Covid 19 passée nous ferons quoi? Tout comme avant ou autrement? Et l’autrement il doit être comment? Pourrons-nous mener le débat? Dire notre mot dans la construction du monde de demain? Serons-nous assez responsables pour au moins essayer de le faire? (Pas pour nous mais pour nos enfants et petits-enfants) L’avenir va nous le dire assez vite. Mais je me sens pauvre et démuni pour faire entendre aux autres le monde que j'aimerais laisser aux générations futures. Le confinement et la distanciation sociale ce n'est pas mon ADN ni les valeurs qui m'ont été transmises par mes parents et grands-parents. Je me sens très pauvre de ne plus être en contact pour de vrai avec les autres mes frères de coeur et d'âme.

Et après tout ça?

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

Et tout s’est arrêté…

Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie après ?

Après ? Nous souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il est bon de s'arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous appellerons cela le dimanche.

Après ? Ceux qui habiteront sous le même toit, passeront au moins  3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à papi qui vit seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.

Après ? Nous écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.

Après ? Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20 h mais aussi les éboueurs à 6 h, les postiers à 7 h, les boulangers à 8 h, les chauffeurs de bus à 9 h, les élus à 10 h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.

Après ? Nous déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l’a donné ne nous a rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de l’argent ! Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à goûter. Et nous appellerons cela la patience.

Après ? Nous pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les courses où amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la fraternité.

Après ? Nous rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans esclavage d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous appellerons cela la justice.

Après ? Nous nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine. Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et nous appellerons cela l’humanité.

Après ? Dans nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais ce que nous aurons vécu aura été si douloureux et si intense à la fois que nous aurons découvert ce lien entre nous, cette communion plus forte que la distance géographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce côté-ci et l’autre de la rue, ce côté-ci et l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous l’appellerons Dieu.  

Après ? Après ce sera différent d'avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique. Car il n'y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s'accomplit au cœur de l'épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n'existe pas de mot. 

Père Pierre-Alain Lejeune

Confinement 15

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L'HUMANITÉ ÉBRANLÉE ET LA  SOCIÉTÉ EFFONDRÉE PAR UN PETIT MACHIN.

 

Un petit machin microscopique appelé coronavirus bouleverse la planète. Quelque chose d'invisible est venu pour faire sa loi. Il remet tout en question et chamboule l'ordre établi. Tout se remet en place, autrement, différemment.

Ce que les grandes puissances occidentales n'ont pu obtenir en Syrie, en Lybie, au Yemen, ...ce petit machin l'a obtenu (cessez-le-feu, trêve...).

Ce que l'armée algérienne n'a pu obtenir, ce petit machin l'a obtenu (le Hirak à pris fin).

Ce que les opposants politiques n'ont pu obtenir, ce petit machin l'a obtenu (report des échéances électorales. ..).

Ce que les entreprises n'ont pu obtenir, ce petit machin l'a obtenu (remise d'impôts, exonérations, crédits à taux zéro, fonds d'investissement, baisse des cours des matières premières stratégiques. ..).

Ce que les gilets jaunes et les syndicats  n'ont pu obtenir, ce petit machin l'a obtenu ( baisse de prix à la pompe, protection sociale renforcée...).

 

Soudain, on observe dans le monde occidental le carburant a baissé, la pollution a baissé, les gens ont commencé à avoir du temps, tellement de temps qu'ils ne savent même pas quoi en faire. Les parents apprennent à connaître leurs enfants, les enfants apprennent à rester en famille, le travail n'est plus une priorité, les voyages et les loisirs ne sont plus la norme d'une vie réussie.

Soudain, en silence, nous nous retournons en nous-mêmes et comprenons la valeur des mots solidarité et vulnérabilité. 

Soudain, nous réalisons que nous sommes tous embarqués dans le même bateau, riches et pauvres. Nous réalisons que nous avions dévalisé ensemble les étagères des magasins et constatons ensemble que les hôpitaux sont pleins et que l'argent n'a  aucune importance. Que nous avons tous la même identité humaine face au coronavirus. 

 

Nous réalisons que dans les garages, les voitures haut de gamme sont arrêtées juste parce que personne ne peut sortir.

Quelques jours seulement ont suffi à l'univers pour établir l'égalité sociale qui était impossible à imaginer.

La peur a envahi tout le monde. Elle a changé de camp. Elle a quitté les pauvres pour aller habiter les riches et les puissants. Elle leur a rappelé leur humanité et leur a révélé leur humanisme.

 

Puisse cela servir à réaliser la vulnérabilité des êtres humains qui cherchent à aller habiter sur la planète mars et qui se croient forts pour cloner des êtres humains pour espérer vivre éternellement.

Puisse cela servir à réaliser la limite de l'intelligence humaine face à la force du ciel.

 

Il a suffi de quelques jours pour que la certitude devienne incertitude, que la force devienne faiblesse, que le pouvoir devienne solidarité et concertation.

Il a suffi de quelques jours pour que l'Afrique devienne un continent sûr. Que le songe devienne mensonge.

Il a suffi de quelques jours pour que l'humanité prenne conscience qu'elle n'est que souffle et poussière.

 

Qui sommes-nous ? Que valons-nous ? Que pouvons-nous face à ce coronavirus ?

Rendons-nous à l'évidence en attendant la providence.

Interrogeons notre "humanité" dans cette "mondialité" à l'épreuve du coronavirus.

 

Restons chez nous et méditons sur cette pandémie.

Aimons-nous vivants !

 

Moustapha Dahleb

La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie

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" Je vous écris d’Italie, je vous écris donc depuis votre futur. Nous sommes maintenant là où vous serez dans quelques jours. Les courbes de l’épidémie nous montrent embrassés en une danse parallèle dans laquelle nous nous trouvons quelques pas devant vous sur la ligne du temps, tout comme Wuhan l’était par rapport à nous il y a quelques semaines. Nous voyons que vous vous comportez comme nous nous sommes comportés. Vous avez les mêmes discussions que celles que nous avions il y a encore peu de temps, entre ceux qui encore disent «toutes ces histoires pour ce qui est juste un peu plus qu’une grippe», et ceux qui ont déjà compris. D’ici, depuis votre futur, nous savons par exemple que lorsqu’ils vous diront de rester confinés chez vous, d’aucuns citeront Foucault, puis Hobbes. Mais très tôt vous aurez bien autre chose à faire. Avant tout, vous mangerez. Et pas seulement parce que cuisiner est l’une des rares choses que vous pourrez faire. Sur les réseaux sociaux, naîtront des groupes qui feront des propositions sur la manière dont on peut passer le temps utilement et de façon instructive ; vous vous inscrirez à tous, et, après quelques jours, vous n’en pourrez plus. Vous sortirez de vos étagères la Peste de Camus, mais découvrirez que vous n’avez pas vraiment envie de le lire.
Vous mangerez de nouveau.
Vous dormirez mal.
Vous vous interrogerez sur le futur de la démocratie.
Vous aurez une vie sociale irrésistible, entre apéritifs sur des tchats, rendez-vous groupés sur Zoom, dîners sur Skype.
Vous manqueront comme jamais vos enfants adultes, et vous recevrez comme un coup de poing dans l’estomac la pensée que, pour la première fois depuis qu’ils ont quitté la maison, vous n’avez aucune idée de quand vous les reverrez.
De vieux différends, de vieilles antipathies vous apparaîtront sans importance. Vous téléphonerez pour savoir comment ils vont à des gens que vous aviez juré de ne plus revoir.
Beaucoup de femmes seront frappées dans leur maison.
Vous vous demanderez comment ça se passe pour ceux qui ne peuvent pas rester à la maison, parce qu’ils n’en ont pas, de maison.
Vous vous sentirez vulnérables quand vous sortirez faire des courses dans des rues vides, surtout si vous êtes une femme. Vous vous demanderez si c’est comme ça que s’effondrent les sociétés, si vraiment ça se passe aussi vite, vous vous interdirez d’avoir de telles pensées.
Vous rentrerez chez vous, et vous mangerez. Vous prendrez du poids.
Vous chercherez sur Internet des vidéos de fitness.
Vous rirez, vous rirez beaucoup. Il en sortira un humour noir, sarcastique, à se pendre.
Même ceux qui prennent toujours tout au sérieux auront pleine conscience de l’absurdité de la vie.
Vous donnerez rendez-vous dans les queues organisées hors des magasins, pour rencontrer en personne les amis - mais à distance de sécurité.
Tout ce dont vous n’avez pas besoin vous apparaîtra clairement.
Vous sera révélée avec une évidence absolue la vraie nature des êtres humains qui sont autour de vous : vous aurez autant de confirmations que de surprises.
De grands intellectuels qui jusqu’à hier avaient pontifié sur tout n’auront plus de mots et disparaîtront des médias, certains se réfugieront dans quelques abstractions intelligentes, mais auxquelles fera défaut le moindre souffle d’empathie, si bien que vous arrêterez de les écouter. Des personnes que vous aviez sous-estimées se révéleront au contraire pragmatiques, rassurantes, solides, généreuses, clairvoyantes.
Ceux qui invitent à considérer tout cela comme une occasion de renaissance planétaire vous aideront à élargir la perspective, mais vous embêteront terriblement, aussi : la planète respire à cause de la diminution des émissions de CO2, mais vous, à la fin du mois, comment vous allez payer vos factures de gaz et d’électricité ? Vous ne comprendrez pas si assister à la naissance du monde de demain est une chose grandiose, ou misérable.
Vous ferez de la musique aux balcons. Lorsque vous avez vu les vidéos où nous chantions de l’opéra, vous avez pensé «ah ! les Italiens», mais nous, nous savons que vous aussi vous chanterez la Marseillaise. Et quand vous aussi des fenêtres lancerez à plein tube I Will Survive, nous, nous vous regarderons en acquiesçant, comme depuis Wuhan, où ils chantaient sur les balcons en février, ils nous ont regardés.
Beaucoup s’endormiront en pensant que la première chose qu’ils feront dès qu’ils sortiront, sera de divorcer. Plein d’enfants seront conçus.
Vos enfants suivront les cours en ligne, seront insupportables, vous donneront de la joie. Les aînés vous désobéiront, comme des adolescents ; vous devrez vous disputer pour éviter qu’ils n’aillent dehors, attrapent le virus et meurent. Vous essaierez de ne pas penser à ceux qui, dans les hôpitaux, meurent dans la solitude. Vous aurez envie de lancer des pétales de rose au personnel médical.
On vous dira à quel point la société est unie dans un effort commun, et que vous êtes tous sur le même bateau. Ce sera vrai. Cette expérience changera à jamais votre perception d’individus. L’appartenance de classe fera quand même une très grande différence. Etre enfermé dans une maison avec terrasse et jardin ou dans un immeuble populaire surpeuplé : non, ce n’est pas la même chose. Et ce ne sera pas la même que de pouvoir travailler à la maison ou voir son travail se perdre. Ce bateau sur lequel vous serez ensemble pour vaincre l’épidémie ne semblera guère être la même chose pour tous, parce que ça ne l’est pas et ne l’a jamais été.
À un certain moment, vous vous rendrez compte que c’est vraiment dur.
Vous aurez peur. Vous en parlerez à ceux qui vous sont chers, ou alors vous garderez l’angoisse en vous, afin qu’ils ne la portent pas. Vous mangerez de nouveau.
Voilà ce que nous vous disons d’Italie sur votre futur. Mais c’est une prophétie de petit, de très petit cabotage : quelques jours à peine. Si nous tournons le regard vers le futur lointain, celui qui vous est inconnu et nous est inconnu, alors nous ne pouvons vous dire qu’une seule chose : lorsque tout sera fini, le monde ne sera plus ce qu’il était. "

Francesca Melandri

(Traduit de l’italien par Robert Maggiori)

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