Frère des astres

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" Benoît est un chrétien instinctif, il suit l'Evangile à la lettre, à la trace. Jésus marche: Benoît l'accompagne. Le Fils de l'Homme jeûne: Benoît se prive. Le Seigneur souffre: il morfle à l'unisson. Il sait bien que sans le faste et la puissance, la Chrétienté n'existerait plus depuis belle lurette; l'Eglise n'est pas une hutte de branchages, une maison accrochée à la colline. Benoît s'entête à déployer sa foi comme un drapeau blanc au sommet d'une hampe brisée. Il est prêt à mourir pour que résonne la Bonne Nouvelle, mais cette clameur, qui se propage en averse, en vagues, en flocons, il ne lui semble pas nécessaire de l'imposer, ni de la défendre, il lui suffit de l'écouter. Benoît est un vitrail en miettes. Un morceau de verre que la lumière transperce de part en part."

(Extrait de "Frères des astres" de Julien Delmaire aux éditions Grasset page 147)

Ecoute ma prière

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Homme,

 

Je suis la flamme de ton foyer dans la nuit hivernale. Et, au plus fort de l'été, l'ombre fraîche de ton toit. Je suis le lit de tes sommeils, la charpente de ta maison, la table où poser ton pain, le mât de ton navire; je suis le manche de ta houe, la porte de ta cabane, je suis le bois de ton berceau et celui de ton cercueil, le matériau de tes oeuvres, et la parure de ton univers.

 

Ecoute ma prière: ne me détruis pas.

 

"La forêt", Walter Kümmerly.

 


En 1953, Jean Gionno, écrivain français, né à Manosque en 1895 et mort à Manosque en 1970, a écrit un livre qui a pour titre "L'homme qui plantait des arbres".  Il y raconte la vie d'un homme solitaire, berger de son état: Elzéard Bouffier. Il décrit leur première rencontre en 1913 dans une zone désertique de Haute Provence. Jean Giono dépeint les paysages de l'époque, la désertification des villages, la déforestation en cours. Il s'attarde longuement à nous raconter son personnage principal: un homme simple, modeste, au mode de vie frugal, un homme bon qui colle à la nature, à son terroir. Il en fait le personnage central de son roman. Un personnage attachant. Il a une étrange manie: il plante des glands de chêne du matin au soir, du premier janvier au 31 décembre et ce jusqu'à sa mort en 1947. Il a mis au point une technique bien à lui pour le faire. A la fin de sa vie Elzéard Bouffier a profondément modifié son environnement. Il laisse aux générations futures une immense forêt. L'eau est revenue dans les ruisseaux. Les villages abandonnés ont repris vie. C'est tellement bien écrit qu'enfant, adolescent, jeune homme j'ai voulu croire absolument que ce n'était pas un roman, une fiction mais une histoire vraie. Depuis quelques années maintenant ce livre a une seconde jeunesse. Il est devenu un livre d'actualité face aux catastrophes "naturelles" à répétitions.

 

"L'homme qui plantait des arbres" est publié en livre de poche dans la collection Folio Cadet, référence ISBN:  207053880X.

 

Il existe aussi une vidéo canadienne accessible aux enfants dès l'âge de 5 ans avec la voix de Philippe Noiret lisant le texte de Jean Giono. Les images de l'animation sont très belles.

 

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Dès 1953, avec son livre "L'homme qui plantait des arbres", Jean Giono développe de manière très poétique et littéraire les thèmes du développement durable, de l'écologie réparatrice des dérèglements climatiques et des folies destructrices des hommes. Il y exhalte les valeurs de travail, d'opiniâtreté, de patience, d'humilité. Il nous rappelle l'importance de  la ruralité dans le monde d'hier,d 'aujourd'hui et de demain.Et l'importance des petites gens dans notre vie sans qui nous ne sommes rien ou bien peu. L'altruisme et le pacifisme font partie de l'ADN d'Elzéar Bouffier.

 

Jean Giono est un grand écrivain français qui ne se rattache à aucun courant littéraire bien précis. Cela s'explique par ses origines familiales et son parcours de vie. Il est le fils d'un cordonnier anarchiste d'origine italienne et d'une mère d'origine provençale qui dirige un atelier de repassage. Un an avant de passer son bac il doit arrêter ses études: son père est malade, les finances familiales ne lui permettent pas de continuer sa scolarité. Il part travailler. Il passe son temps libre à lire en particulier les grands auteurs grecs et latins. Peu de temps avant d'être mobilisé en 1914 à 19 ans il rencontre la jeune femme avec qui il ne pourra se marier qu'en 1920. Ils auront ensemble deux filles. En 1915 il rejoint le 140 ième régiment d'infanterie. En temps que simple soldat il est sur le terrain des grands combats de 14/18: Artois, Champagne,Verdun, la Somme, le chemin des dames. Son meilleur ami est tué, ses camarades décimés. Il est lui  même victime d'une commotion suite à une explosion d'obus proche de lui. Plus tard il est légérement gazé. Il survit à la première guerre mondiale que certains historiens ont qualifié de suicide collectif. Il devient un pacifiste convaincu. Ses prises de positions publiques contre la guerre font qu'au moment de la seconde guerre mondiale lorsqu'il se présente aux autorités militaires pour s'engager il est refusé. S'en suivra un rapprochement avec le régime de Vichy qui lui sera reproché à la libération. Il ne sera pas condamné car il a caché à partir de 1940 des personnes recherchées par la police française. Il restera toute sa vie un pacifiste contre vents et marées. Les deux guerres mondiales lui ont révélé que l'homme avait les moyens techniques de faire autant si ce n'est plus de dégâts que les pires des catastrophes naturelles. Il ne pouvait s'y résoudre.

Petite vie d'Edith Stein

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Edith Stein est née le 12 ocobre 1891 à Breslau dans une famille juive allemande. Elle a été déportée au camp d'Auswitch le 2 août 1942 et gazée le 9 août.

Bernard Sezé lui a consacré un livre. Il a pour titre "Petite vie d'Edith Stein" publié aux éditions Desclée de Brouwer. Référence ISBN 9 782220 053271.

Il s'est intéressé à la vie intellectuelle brillante de cette jeune femme. Elle a fréquenté de grands philosophes de son temps. Elle a écrit des ouvrages philosophiques encore lus de nos jours. 

Mais Bernard Sezé s'est surtout intéressé à son parcours spirituel. Après avoir lu la vie de Sainte Thérése, elle va s'engager sur un chemin de vie qui va la conduire au Carmel. Sa jeune soeur en fera de même. Sa mère, juive pieuse, en sera profondément meurtrie .

Au cours de la seconde guerre mondiale, Edith Stein et sa soeur se réfugient dans un couvent aux Pays-Bas. Elles y seront arrêtées et mouront en déportation.

Convertie au christianisme, Edith Stien n'a jamais voulu se désolidariser du peuple juif. Jusqu'à sa dernière semaine de vie elle a informé par écrit sa hiérarchie des persécutions et des crimes commis contre les juifs.

Bernard Sesé affirme dans son livre que l'extermination des juifs s'est faite dans l'indifférence générale. Il ressort de son livre que des êtres humains ont fait tout leur possible pour sauver les deux soeurs. Des êtres humains ont été indifférents à leur sort. Des êtres humains les ont gazées.

Pourquoi remuer le passé  aujourd'hui puisqu'il est passé?

Parce qu'il faut bien reconnaître que des centaines de milliers d'Iraniens et d'Irakiens sont morts pendant sept ans de guerre dans une indifférence générale. Dix millions de personnes sont mortes pendant les dernières vingt années de conflits armés en République Démocratique du Congo dans  une indifférence générale. Des milliers de Palestiniens meurent depuis 70 ans dans une indifférence générale. Plusieurs centaines de millions d'êtres humains meurent tous les ans de misère dans une indifférence générale.

Ainsi sont les êtres humains, capables du pire et du meilleur.

Le covid 19 vient de nous rappeler que nous sommes tous mortels. La mort n'arrive pas qu'aux autres. Le temps est peut-être venu d'accorder enfin plus d'importance à la vie des autres, de tous les autres?

Mais qu'en pensez-vous?

La France de notre enfance (1)

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Voici une description de la France de notre enfance dans les années 50/60:

"La France était immense et composée de populations distinctes par leur nourriture et leurs façons de parler, arpentée en juillet par les coureurs du Tour dont on suivait les étapes sur la carte Michelin punaisée au mur de la cuisine. La plupart des vies se déroulaient dans le même périmètre d'une cinquantaine de kilommètres. Quand s'élevait à l'église le grondement vainqueur du cantique Chez nous soyait reine on savait que chez nous désignait là où l'on habitait, la ville,L'exotisme commençait à la grande ville la plus proche. Le reste du monde était irréel. Les plus instruits ou qui aspiraient à l'être s'inscrivaient aux conférences de Connaissance du monde. Les autres lisaient Sélection du Reader's Digest  ou Constellation , "le monde vu en français". La carte postale envoyée de Bizerte par un cousin qui y faisait son service militaire plongeait dans une sidération rêveuse.

Paris représentait la beauté et la puissance, une totalité mystérieuse, effrayante, dont chaque rue figurant dans journal ou citée par la réclame, boulevard Barbès, rue Gazan, Jean Mineur 116 avenue des Champs Elysées, excitait l'imagination. Les gens qui y avaient vécu, ou qui s'y étaient seulement rendus en excursion, avaient vu la tour Eiffel, étaient auréolés de supériorité. Les soirs d'été, à la fin des longues journées poussiéreuses des vacances, on allait à l'arrivée du train express regarder ceux qui étaient allés ailleurs et descendaient avec des valises, des sacs d'achats du Printemps, les pèlerins rentrant de Lourdes. Les chonsons évoquant les régions inconnues, le Midi, les Pyrénées, les Fandango du pays basque, Montagnes d'Italie, Mexico donnaient du désir. Dans les nuages du couchant bordés de rose, on voyait des maharadjahs et des palais indiens. On se plaignait aux parents, "on ne va jamais nulle part!", ils répondaient avec étonnement "Où veux-tu aller, tu n'es pas bien là où tu es?"

Annie Ernaux, "Les années", pages 37/38, édition Gallimard NRF.

ISBN 978-2-07-077922-2

Dans le temps, lorsqu'on se sentait mourir...

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" Dans le temps, lorsqu'on se sentait mourir, il paraît que l'on songeait à se se mettre en règle avec Dieu. Aujourd'hui, il n'en est plus question. Notre devoir consiste à nous mettre d'abord en règle avec la Sécurité sociale, sorte de laïque providence. Il est vrai que l'Etat, de plus en plus tout puissant, tend à remplacer Dieu. On s'aperçoit qu'on peut parfaitement se passer de capitalisme, de paysannerie, de classe ouvrière, mais personne n'imagine se priver de cet instrument aveugle: l'Etat. Le Tout-Puissant qui est-ce? C'est le flic du coin, le mec du guichet, le contrôleur des impôts, le juge, le chef de bureau. Dieu, c'est l'ordinateur. Il n'y a plus d'autre religion que celle du confort, de l'ordre; pas d'autre morale que celle du lapin du lapin domestique. Le rêve de la cage et de la nature assurée. On est finalement dépiauté, mis à la casserole, mais qu'importe! Mieux vaut cela que les aléas de l'aventure. On s'en remet à l'Etat, l'Etat vainqueur, l'Etat triomphant, l'Etat providence. L'Etat père et mère. On veut que tout soit organisé de la naissance à la mort, avec frais d'accouchement et d'enterrement assumés par la Sécurité sociale. La sécurité! Après des millénaires d'insécurité cruelle, voilà venu l'âge de la sécurité anesthésiante.

- Cela te va bien de parler de Dieu, de la morale, de la religion.

- Nous avons tué leur Dieu et leur religion. Ce que nous ne prévoyions pas c'est que d'autres dieux et d'autres religions naîtraient de leur cadavre. Les idéologies politiques, à leur tour religions aveuglantes, sont l'opium du peuple. Staline, Mao, ont été des dieux. Quant aux curés, ils désertent les églises de pierre, mais il y a toujours autant de curés, plus peut-être...Ils s'insérent dans d'autres Eglises (idéologiques, politiques) (médiatiques ça c'est pas dans le texte c'est moi qui l'ajoute) et ils prêchent à tour de bras."

"La mémoire des vaincus" de Michel Ragon page 554.

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