L'eau de vie, l'eau de mort.

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

Voici un texte lu sur Facebook hier soir:

L’eau qui donne la vie / l’eau qui mène à la mort

Aujourd’hui, je suis cette française, guadeloupéenne, dont le robinet ne coule plus depuis des jours, des mois, des années… et je ressens sa colère immense.

Aujourd’hui, je suis ces migrants tendus vers l’espoir d’une vie meilleure et dont la barque a chaviré, corps malmenés par les flots et entraînés vers le fond.

Près de quatre-cent-mille français, outre-marins, qui vivent sans eau courante depuis dix, vingt, trente ans… et dont la terre (et la ressource en eau) a été polluée pour environ 600 ans, mais que l’on voudrait dociles aux injections métropolitaines. De qui se moque-t-on ?

Vingt-sept corps perdus en Mer du Nord qui ont rejoint la cohorte de ceux avalés par la Méditerranée… Qui donc menaçaient-ils ?

A quoi utilisons-nous donc nos intelligences ? Quels veaux d’or servent-elles depuis la nuit des temps ?

Vamos a la playa

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

Photo Marion Sadys

Biscarrosse Plage, vendredi 21 mai 2021, il est 16h30;  il pleut, une pluie fine et froide. Personne dans les rues. Personne sur la plage. Peu de voitures circulent dans la ville fantôme. 

Biscarrosse Plage, samedi 22 mai , 10h30, quelques voitures circulent de-ci, de-là. Il pleut moins mais le vent souffle. Quelques personnes montent en voiture sur la dune de la plage Nord et regardent l'état de la mer. Les vagues sont belles. Il y a un peu de monde dans la rue commerçante. 

Biscarrosse Plage, dimanche 23 mai, 16h, il fait un soleil magifique. Mes enfants et petits enfants veulent aller à la plage avec ma jeune soeur et ses enfants et petits enfants. Ils sont excités comme les puces de mer sur la plage de sable fin. 

Le parking de la plage Sud est rempli de voitures. Il me faut en faire plusieurs fois le tour pour finir par trouver une place. Je monte à pied en haut de la dune. Je m'installe sur mon fauteuil pliant près du poste de secours. Deux personnes âgés y sont déjà installées. Nous respectons la distance recommandée entre nous. Les terrasses du restaurant de bord de mer sont pleines de monde ainsi que les chaises longues face à l'Océan. La plage est noire de monde. Mille ou deux milles personnes  profitent de l'instant présent.

J'aperçois les miens qui ont posé leurs affaires et leur parasol près du véhicule de secours des maîtres nageurs sauveteurs. 

Je laisse mon esprit vagabonder. Je me revois enfant sur cette plage avec ma soeur en 1961. Je mesure combien Biscarrosse Plage a changé depuis. Je laisse remonter en moi les souvenirs de mes parents et grands-parents et de leurs amis tous décédés aujourd'hui. Je les entends en moi, je les sens près de moi dans le souffle vivifiant du vent qui vient de l'Océan. Je les cherche à l'horizon. Je repense à l'adolescent et au jeune homme que j'ai été. Je me souhaite encore quelques printemps, quelques étés, quelques automnes avant que vienne mon tour de rejoindre les absents d'aujourd'hui. 

Et puis soudain à 17h15 des personnes se lèvent de leur serviette et se massent autour du véhicule d'intervention rapide au bord de l'eau. Il se passe quelque chose mais je ne vois rien. La foule qui entoure les maîtres nageurs sauveteurs comme les abeilles autour de la reine mère  me masque tout. J'entends les radios du poste de secours qui s'animent et je comprends qu'un bébé dauphin vient de s'échouer sur la plage. Les secouristes demandent l'aide du jet ski qui tracte la planche de secours. Il est au-delà des vagues. Il flotte comme un gros bouchon au milieu des surfeurs en attente de la bonne vague. Il rejoint rapidement la plage. Plusieurs personnes l'entourent, le remettent en position nez vers le large, le maintiennent en ligne de flottaison. Deux jeunes maîtres nageurs prennent le dauphin dans leur bras et le placent sur la planche de secours. 

Soudain tout s'est arrêté. Nous oublions le conflit israélo-palestinien, la guerre en Syrie, le covid, le confinement, le chomage , le terrorisme, les migrants qui meurent en mer, les incertitudes des lendemains qui déchantent. Nous sommes pris dans une émotion collective. Le dauphin va-t-il se laisser sauver? Vont-ils arriver à le ramener en eau profonde? Le temps semble se ralentir, s'allonger. Puis le jet ski s'éloigne de la plage à vitesse lente. Les deux jeunes maîtres nageurs sont allongés de chaque côté du dauphin prenant soin que ses nageoires ne s'abîment pas. Les vagues sont franchies en douceur. Le dauphin laisse faire. Ils s'éloignent au loin là où ils n'y a plus de vagues  écumeuses. Ils le libèrent. L'opération a réussi. Nous sommes contents. Nous nous parlons entre nous. Pourquoi il est venu s'échouer là? Est-il malade? Peut-il survivre coupé des siens? Ses appels au secours seront-ils entendus par les siens? Nos yeux restent fixés sur le grand large. Le temps passe. Il ne revient pas vers nous. Nous espérons qu'il vivra une longue vie de dauphin. 

Biscarrosse plage, dimanche 23 mai 2021, 18h, la plage commence à se vider. C'est une belle fin de journée. Les personnes qui remontent la dune pour rejoindre leurs voitures semblent heureuses et apaisées. Quelques jeunes enfants pleurent de fatigue. Très peu de personnes portent un masque. 

Biscarrose plage, lundi 24 mai 2021, 14h, il fait froid, il y a du vent, il pluviote un peu. Nous commençons à charger les voitures. Demain nos enfants travaillent, nos petits enfants ont école. Nous nous souhaitons une bonne semaine à venir à tous, nous nous promettons de nous revoir tous ensemble "aux beaux jours " de l'été qui peine à venir.

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