En 2006, Alep était considérée comme l'une des plus belles villes du monde : son souk, sa grande mosquée et ses hammams attiraient les touristes à foison, la cité regorgeant des richesses les plus somptueuses. Deuxième ville de Syrie, elle s'est vue attribuer par l'UNESCO en 1986 une place au patrimoine mondial de l'Humanité.
Mais aujourd’hui, Alep se meurt. Chaque jour depuis le début de la guerre en 2011, les bombardements réduisent à néant tout ce qu'ils peuvent atteindre. Alors que les grandes puissances internationales s'unissent au sein de coalitions dans le but de préserver la population de l’État Islamique, c'est elle qui paie le prix fort : un paradoxe d'une ampleur inimaginable qui d'après l'OSDH (l'Observatoire Syrien des Droits Humains) aurait fait plus de 290 000 morts, sans compter les victimes disparues à jamais sous les décombres d'une ville ruinée par la conflagration.
Actuellement la situation à Alep se détériore à une vitesse inouïe, le silence des puissances occidentales favorisant cette décadence et faisant d'elles les complices de ce chaos humanitaire.
La ville est désormais scindée en deux parties qui chaque jour connaissent l'une comme l’autre l'incessante déflagration des bombes. Alep Est étant ravagé par les bombardements russes, la majorité des civils tentent alors de fuir au Nord, dont les quartiers sont également tyrannisés par la guerre.
La situation actuelle à Alep Est :
Le régime de Bachar Al-Assad a repris presque toute la ville, il ne reste qu'un tout petit bastionrebelle en vert : ici vivent terrés environ 100 000 civils, considérés tels des boucliers humains par les forces de l'armée. Certains ont tenté de fuir et la plupart du temps au péril de leur vie. Des femmes et des enfants sont assassinés tous les jours, la faim et la fatigue traquent ceux qui décident de rester. C'est à la mort d'un peuple entier à laquelle nous assistons, à l'agonie de ces héros qui chaque jour se battent pour rester en vie.
Si le but était de lutter contre la tyrannie de l'islam extrémiste, le monde entier est pourtant devenu un terroriste cautionnant le meurtre de ces milliers d’innocents.
L'interview :
Omar Alolaiwy est un membre de l'association Syria Charity qui milite chaque jour pour le soutien de la population syrienne. Habitant à Alep Nord et secouriste, il nous parle de son quotidien.
-Pouvez-vous nous dire quelle est la situation actuelle à Alep ?
La situation à Alep est catastrophique et très alarmante. Les bombardements ne s'arrêtent jamais, l'aviation détruit tout même les hôpitaux et les ambulances. Chaque jour des centaines de morts, des petits enfants sous les décombres...
Comme vous le savez Alep est assiégée depuis des mois, rien n'y entre et les habitants meurent de faim. Il s'agit d'un vrai massacre.
-Dans quel état d'esprit êtes-vous ? Comment vous sentez-vous ?
Ce qui ce passe à Alep nous fatigue énormément, nous sommes devenus des morts vivants, on attend la mort à chaque seconde. Nous avons peur pour nos familles et nos enfants. Malheureusement, nous n'avons plus de force pour résister.
Je me sens dégoûté, je suis frustré et déprimé.
-Comment faites-vous pour résister et tenir bon ? Où trouvez-vous les ressources nécessaires ?
Notre croyance en Dieu nous permet de résister car lui seul pourra mettre fin à ce massacre et nous faire sortir de cet enfer.
En ce qui concerne les ressources nécessaires, la majorité des produits alimentaires n’existent plus, donc ce qu'on trouve on le mange. Ça peut être du riz ou des épinards... Même le pain est devenu extrêmement rare.
-Comment s'organise votre quotidien ?
Comme étant membre de l'ONG Syria Charity, on se lève tôt le matin, directement on prend les ambulances et on se dirige vers les zones bombardées pour sauver des vies, notre tâche consiste à transporter les blessés et les morts vers l’Hôpital.
Vu que les bombardements ne cessent jamais, il nous arrive de ne pas dormir et de ne jamais pouvoir nous reposer.
-Que voudriez-vous maintenant ?
Nous voulons qu'Alep ne soit plus assiégée, au moins nous aurions la possibilité de faire entrer des éléments essentiels et surtout des produits alimentaires : des fruits, des légumes, du pain …
Mais en réalité cela n'est pas une solution définitive, tant que la guerre existe encore la mort sera notre destin. Nous voulons la paix.
-Que pouvons-nous faire à notre échelle pour vous aider?
Nous avons plus que jamais besoin de votre aide, de votre soutien afin que notre voix atteigne le monde entier, en espérant que cela puisse éveiller les consciences.
Il faut que tout le monde et surtout les médias se mobilisent pour nous et défendent la cause syrienne.
-Que voulez-vous dire au monde entier ?
Nous voulons vivre en paix ! Est-ce trop demander?
Aider les civils d'Alep :
La lucidité concernant ce génocide constitue déjà une preuve de réflexion à l'égard de ces populations meurtries. Certains civils possédant encore l’accès aux réseaux sociaux reçoivent chaque jour des messages remplis d'affection et de compassion, ce qui témoigne d'une prise de conscience progressive. Notre force est celle-ci : tant que l'on fait preuve d'humanité envers autrui, alors l'espoir sera.
Cependant chaque jour des femmes et des enfants sont gravement blessés, et dans ces cas-là aucun de ces messages de paix n'est assez puissant pour les aider. L'association Syria Charity sur place tente malgré l’absence de moyen de secourir les populations. Les hôpitaux ont été bombardés, il n'y a plus de médicaments, les civils grièvement blessés sont soignés dans des conditions totalement insalubres. Le manque de médecin, eux aussi visée par l'armée d'Assad, se fait également ressentir : certains succombants à leurs blessures à cause de la pénurie de personnel soignant.
Tant de contraintes qui s'accumulent et qui leur coûtent la vie.
Si vous vous sentez concerné(e)s, aidez-les vous aussi : faites un don sur : https://www.syriacharity.org/
Alice Gapail, stagiaire à CFM Radio à Casteljaloux.