De l'enchaînement des peurs
Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire
La revue Études, intitulée originellement Études de théologie, de philosophie et d’histoire, a été fondée en 1856 sous la direction de deux jésuites, Jean (Ivan) Gagarine (d’origine russe) et Charles Daniel. À l’origine, publication à contenu surtout théologique, elle s’ouvrit au début du XXe siècle à des thématiques plus culturelles.
La parution a été pratiquement continue (mensuelle ou bimensuelle selon les périodes) depuis sa fondation, à l’exception des années 1880-1888 (expulsion des jésuites) et 1940-1944 (occupation allemande).
Au départ d’inspiration plutôt « libérale », la ligne rédactionnelle s’est durcie dans le contexte anticlérical de la fin XIXe-début XXe, puis détendue à partir des années 1920. Dans les querelles qui agitèrent l’Église, comme ce fut le cas pour la « crise moderniste » (1900-1920 environ), la rédaction a toujours tenu à garder une position modérée, s’efforçant d’analyser honnêtement les positions en présence.
Depuis 2000 la revue est intégrée à la Société d'édition de revues, co-entreprise de la Compagnie de Jésus et du groupe Bayard-Presse, propriété des Assomptionnistes. Le rédacteur en chef est toujours un jésuite.
Dans le numéro 4306 de juillet 2023, Corine Pelluchon a écrit un long article sur l'Espérance.
Corine Pelluchon est une philosophe française, professeur de philosophie à l' université Paris Est de Marne la Vallée. Elle a 56 ans.
Voici un extrait de son article, la partie en accès libre, il faut s'abonner pour le lire en entier:
"On a l’impression que l’avenir est bouché, on ne respire pas, il n’y a plus de possible. On éprouve un sentiment d’accablement et d’impuissance qui éteint le désir de vivre. Cela peut même aller jusqu’au désespoir. Ce dernier a un sens au niveau individuel mais aussi collectif. Dans ce dernier cas, il y a un vide, une absence d’horizon commun qui explique que les individus se replient sur la sphère privée ou qu’ils trouvent refuge dans les récits simplificateurs leur faisant miroiter un destin national héroïque et concevant le commun à la lumière de l’opposition entre amis et ennemis, purs et impurs. Cette situation est très dangereuse. De manière générale, les risques globaux que nous encourons sur les plans environnemental, sanitaire, économique et géopolitique, et l’incertitude dans laquelle nous sommes, rendent les personnes vulnérables à l’idéologie qui est un discours figé, dogmatique. L’espérance, au contraire, est l’attente de quelque chose qui n’est pas totalement déterminé. Elle est la capacité à déchiffrer, dans le chaos du présent et en dépit des catastrophes actuelles et à venir, les signes avant-coureurs d’un nouvel âge qui pourrait ouvrir l’horizon. Cet âge, que j’appelle l’âge du vivant, n’est pas complètement là et il ne sera pas forcément victorieux, mais on peut l’annoncer car il existe des signes témoignant de son émergence. Je pense à l’intérêt d’un nombre croissant de personnes pour le sort des animaux et pour l’écologie, ainsi qu’à leur désir de plus de convivialité. Ces changements sociaux, même s’ils sont épars et qu’ils ont contre eux des forces très puissantes, ont une profondeur qu’il importe d’apprécier.
On le voit, l’espérance n’est pas un trait psychologique. Cette vertu théologale concerne le rapport à un temps qui me dépasse. Charles Péguy la compare à une petite fille qui entraîne ses deux grandes sœurs, la foi et la charité, représentées respectivement sous les traits d’une épouse loyale et d’une mère. Il suggère par cette image que l’espérance n’est pas spectaculaire et que, bien souvent, on ne la remarque pas. En effet, on ne voit pas ce qui pourrait ouvrir l’horizon, soit parce qu’on projette sur l’avenir ses aspirations et ses peurs, soit parce qu’on est obnubilé par ce qui ne va pas.
L’espérance suppose la conscience du mal et la conscience des catastrophes. Elle n’a rien à voir avec l’optimisme, qui est souvent le masque du déni et reflète la croyance illusoire que l’on pourra résoudre tous les problèmes, tout contrôler. Paradoxalement, l’espérance advient quand on a renoncé aux illusions de grandeur et de toute-puissance, et que l’on a perdu tout espoir, que l’on a abandonné les remèdes classiques, les fausses bonnes solutions."
Pour en savoir plus ouvrir le lien suivant:
https://www.revue-etudes.com/article/esperer-malgre-tout/26280
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Peinture papier gravure "Fatigue" de François Cotard
Fatigué
au point de ne plus ressentir la fatigue, de ne plus pouvoir penser.
Vous avez dit fatigue.
Fatigue qui vient peser tout doucement,
le poids d'une plume
qui se rajoute au poids d'une nouvelle plume. Vous avez dit fatigue.
Fatigue comme endormissement
de mes sens qui n'en peuvent plus de sentir cette angoisse sourde que je ne veux plus entendre.
Vous avez dit fatigue.
Fatigue du manque de courage de dire ce mal à dire
cette maladie à parler.
Vous avez dit fatigue.
Fatigue au risque
de me briser les os qui me soutiennent.
Comment encore avancer et marcher?
Vous avez dit fatigue.
Fatigue jusqu'à l'épuisement
d'avoir puisé au fond du puits
mis à sec de croyance et de confiance.
Vous avez dit fatigue.
Fatigue comme solitude de l'âme
et du corps qui suit et qui aussi ne suit pas.
Où es-tu mon Sauveur ?
Vous avez dit fatigue.
Fatigue où le courage dont j'ai besoin,
c'est de me reposer et de patienter,
Vous avez dit fatigue.
Fatigue où la prière silencieuse vous allège la fatigue
car elle détourne de l'orgueil qui nous fatigue.
Vous avez dit fatigue.
- Dieu, que je suis fatigué !
- Repose toi, je suis à tes côtés ! Pour que tu ne dises plus
que tu es fatigué.
Serge
"Le divertissement devrait procurer à l'homme le bonheur tant attendu; il le jette dans une course sans fin. A peine une activité terminée, voilà qu'il faut se lancer dans une autre. Les plaisirs que l'homme parvient à cueillir dans cette agitation sont toujours en deçà du bonheur qu'il espérait, et l'homme camoufle sa déception dans un nouveau divertissement qui promet à son tour le bonheur, pour le remettre bientôt à plus tard. L'homme devrait s'instruire de ses déceptions successives, mais il paraît courir à leur devant."
Source: "Prier 15 jours avec Blaise Pascal" par Louis Frouart aux éditions Nouvelle Cité.
ISBN 9782375820445. Prix: 13,90 €.
Louis Frouart est né en 1986. Il est lauréat du prix 2014 de la chaire "Science et Religion" de l'Université catholique de Lyon. Il est actuellement professeur de philosophie dans un lycée de Lyon.
Marie-Christine Barrault est une actrice française née à Paris en 1944. Elle est la nièce de Jean-Louis Barrault et de Madeleine Renaud. Elle a été mariée à Daniel Toscan du Plantier. Ils ont eu ensemble un garçon et une fille. Puis elle s'est ensuite mariée avec Roger Vadim. Ils ont vécu ensemble de 1990 à 2000. Elle était présente au dernier souffle de vie de Roger Vadim. Elle affirme que cette mort d'un être cher qu'elle a pu accompagner jusqu'au bout a été pour elle vécue comme une grâce reçue de Dieu.
"Les vivants ferment les yeux des morts. Les morts ouvrent les yeux des vivants." (Père Jean Moubourquette *)
"Si tu savais c'est merveilleux" est le titre du dernier livre écrit par Marie-Christine Barrault. En voici un extrait:
"J'ai quatorze ans lorsque mon père meurt. Mon frère Alain, seize. Abasourdie, je regarde le cercueil descendre en bringuebalant dans cette fosse au Père Lachaise. Une fosse aussi triste et tellement moins profonde que celle qui se creuse chez moi depuis l'enfance. Rectangulaire et bien dessinée, la sépulture du cimetière parisien ne déborde ni à droite ni à gauche, les pompes funèbres ont bien fait les choses. La béance qui m'habite depuis toujours, elle, n' a ni contour ni forme. c'est le manque cruel de mon père.Cette crevasse ne s'est pas ouverte au décès de Max-Henri Barrault, tant s'en faut: sa mort n'est que le dernier coup de pioche dans une terre déjà fouillée jusqu'aux entrailles.
Il faut avouer qu'en la matière, ma mère a bien fait les choses.
Elle était si belle, Marthe. Toujours élégante. Devant nos yeux éblouis, elle descend de l'autocar comme une reine, chaque jeudi en fin de matinée. Avec notre grand-mère, Alain et moi l'attendons à l'arrêt de Yerres. La déesse descend des cieux parisiens pour venir en banlieue s'enquérir de ses enfants, lèvres effleurées sur notre joue ou notre front, regard noisette, effluves d'un parfum délicat. J'ai trois ans. Puis cinq, puis huit. Et toujours le même rituel. Celle que nous appelons maman, avec laquelle je n'ai aucun souvenir de vie commune, déjeune avec nous, soupire d'un air agacé sous les reproches larvés de sa mère, écoute patiemment nos récitations. Après le goûter, nous retournons à l'arrêt de bus en tenant sa main blanche. Elle remet à sa mère quelques billets. Puis remonte dans sa calèche, vers une vie dont nous ignorons tout."
Alain et Marie-Christine ont peu connu leur père. Elle écrit plus loin dans le livre:
"Mais qui comblera le mal du père?"
"Qui comblera l'absence vertigineuse de nos pères?"
Jean-François Sadys
* Prêtre, psychologue, auteur et conférencier de renommée internationale, le père Jean Monbourquette s’est fait particulièrement connaître grâce à ses écrits en matière de développement personnel et de deuil, ayant rédigé une vingtaine de livres.
Décédé le 28 août 2011 à l’âge de 77 ans, Jean Monbourquette a abondamment contribué à l’évolution des mentalités à l’égard de la spiritualité. Ayant suscité beaucoup de scepticisme au départ, ses travaux sur les rapports entre la psychologie et la spiritualité, notamment la dynamique du deuil et l’accompagnement des mourants, sont désormais largement reconnus.
(Source: https://chairemonbourquette.umontreal.ca/a-propos/jean-monbourquette/)