Soif (1)

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"Tout le plaisir des jours est en leurs matinées."

Amélie Nothomb dans son dernier livre "Soif" page 63

Mais aussi en leurs fins de journées au bord d'une rivière...

Serge Halimi (3)

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L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique.

Il est devenu habituel d'imputer à Lénine et à Staline les millions de victimes des réquisitions agricoles des années 1920 et 1930. On rappelle moins souvent que le furent le libre-échange et le marché, pas la collectivisation des terres, qui provoquèrent le décès d'un million et demin d'Irlandais entre 1846 et 1849. Sait-on aussi que Churchill porte une lourde responsabilité dans la mort de 3 milions de Bengalis en 1943, à qui il avait reproché de "se multiplier comme des lapins" ? Il préféra en effet envoyer les réserves alimentaires vers les troupes britaniques, déjà largement pourvues, plutôt que vers les populations faméliques. La faminequi décima ces "indigènes" ne le troubla pas: le gouverneur britanique avait assuré Londres qu'elle "ne représentait pas une menace sérieuse pour la paix puisque ses victimes sont entièrement passives" .  L'oubli progressif de ces faits permet de mesurer qui a gagné la bataille des idées.

En décembre 2005, excédés par d'incessantes interventions politiques et judiciaires  dans l'appréciation des événements du passé, y compris sous forme de "lois mémorielles" , plusieurs grands historiens, au nombre desquels Pierre Vidal-Naquet, ont rappelé quelques principes essentiels: "L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L'Histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique. L'Histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui."  De tels principes définissent l'ambition de cet ouvrage ( Manuel d'Histoire critique, numéro spécial hors série du Monde diplomatique).Par les temps qui courent, ils donent toute la mesure du sa liberté.

Serge Halimi dans "Manuel d'Histoire critique", numéro hors série du "Monde diplomatique".

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Serge Halimi (2)

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Il n'y a pas d'Histoire universelle susceptible d'être récitée par tous les habitants de la terre.

Les grands tyrans et les petits maîtres aiment réécrire le roman national afin de le voir épouser les plis de leur projet du moment. On veut encourager l'apaisement consumériste, le compromis modéré, l'ordre tiède, le fédéralisme européen? On insistera donc, d'un ton consensuel et froid, sur les désastres qu'auraient provoqués toutes les grandes révolutions, les déferlements totalitaires, les haines nationalistes. On s'inquiète au contraire du désenchantement politique, de l'absence de cohésion nationale, du désamour présumé des jeunes pour leur nation? On ripolinera alors avec ferveur les héros d'antan, l'union sacrée, les "missions civilisatrices" (coloniale, néo-impériale, religieuse...)  . Opposés en apparence, ces deux types de récits partagent une même structure mentale conservatrice. L'Histoire décaféinée des fédéralistes, dont la grand marché et la fin des frontière constituent l'acmé, ne perçoit plus du passé qu'un enchaînement de castastrophes qui devrait avoir enseigné aux peuples le caractère destructeur des passions politiques. La nostalgie nationaliste ou religieuse préfère exhalter la fraternité des tranchées, mais elle déteste autant que les modérés les mutineries et les barricades de la lutte sociale, qu'elle assimile à une dissolution du front intérieur, à une intelligence avec l'ennemi.

Pourtant, les extraits de manuels scolaires de divers pays publiés dans cet ouvrage (Manuel d'histoire critique du Monde diplomatique) le rappellent: il n'y a pas d'histoire universelle susceptible d'être récitée par tous les habitants de la Terre faisant une ronde auour du monde. Si nul ne discute de la date du martyre de Hiroshima ou du pacte germano-soviétique, c'est ensuite que tout commence. Au moment où Harry Truman  fit larguer la bombe, pensait-il uniquement terroriser les Japonais, alors que pour lui cette guerre était déjà gagnée? Et Joseph Staline, signa-t-il son pacte avec l'Allemagne pour s'emparer d'une moitié de la Pologne ou pour rendre la monnaie de leur pièce aux Français et aux Britanniques qui, moins d'un an plus tôt à Munich, avait offert la Tchécoslovaquie à Hitler?  Une chose est presque certaine en tout cas: aucun de ces dirigeants n'arrêta son choix à partir de considérations morales très raffinées. Du genre de celles qui viennent spontanément à l'esprit de leurs juges exquis d'aujourd'hui.

Serge Halimi dans "Manuel d'Histoire critique", numéro hors série du "Monde diplomatique".

 

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Serge Halimi (1)

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L’Histoire est la mémoire du monde.

Aucun dogme, aucun interdit, pas de tabous.

Peut-être devrions-nous, pour commencer, bannir des programmes d'Histoire toutes les leçons de morale. Ce que chacun peut penser des guerres de religion, du capitalisme, du communisme, du fascisme, des congés payés ou de la Banque centrale européenne, relève du débat politique, des choix qu'un citoyen est plus ou moins libre de faire. En fonction de ses connaissances, des ses convictions, de ses intérêts, de ses origines, de ses aliénations. L'Historien l'aide à se déterminer les yeux ouverts. Non parce qu'il va plaquer sur les événements du passé son jugement a posteriori, tranquillement formé chez lui. Mais parce qu'il sait que la plupart des constructions de l'Histoire ont tranché avec nos sensibilités actuelles. Il ne croit donc pas à l'existence d'une humanité autrefois peuplée de monstres et qui n'aurait pris forme civilisée qu'à mesure que ses traits se mirent à ressembler aux nôtres. Les aventures les plus apocalyptiques ont en effet bénéficié du concours - actifs ou passifs - de peuples entiers. Dans ses "Mémoires de guerre", Charles de Gaulle décrit par exemple une Allemagne qui, jusqu'au 8 mai 1945, sert son Führer "de plus d'effort qu'aucun peuple, jamais, n'en offrit à son chef." Ce pays qui attendait à l'époque les troupes d'occupation alliées "en silence au milieu de ses ruines", devons-nous encore prétendre que, pendant plus de douze ans, il aurait vécu un phénomène d'envoûtement collectif? Et que sa haine du "judéo-bolchevisme" ne constitua rien d'autre que le délire paranoïaque de quelques cerveaux malades? A des degrés divers, la colonisation, le stalinisme, l'apartheid, le maccarthysme, le général Pinochet, Margaret Tatcher soulèvent les mêmes questions. Ils ont pu compter eux aussi sur une base sociale éprouvée et sur des combattants dévoués. Comment l'expliquer simplement? C'est le propos d'un livre d'Hitoire: comprendre le passé plutôt que de prêcher aux vivants en excommuniant les morts.

Serge Halimi dans "Manuel d'Histoire critique", numéro hors série du "Monde diplomatique".

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