"L'adolescence est un âge où la perception de soi est mise à mal. Cela s'explique peut-être ainsi: bien souvent, l'enfance est un royaume où l'on est le centre du monde. Sans le vouloir, les parents gonflent de manière disproportionnée l'égo de leur progéniture. Ils accourrent au moindre besoin, jugent génial n'importe quel gribouillage et s'extasient sur des chorégraphies ridicules. Bref, l'enfant a le sentiment d'être touché par la grâce, et se fracasse lamentablement, ensuite, dans la vérité de l'adolescence: il n'est que lui. Il y aurait sûrement beaucoup moins de crises pubertaires si l'on plongeait les humains dès le plus jeune âge dans une réalité moins narcissique. (...) L'adolescent pense craindre l'avenir, alors qu'il souffre de la disparition du passé."
David Foenkinos dans "La famille Martin" chez Gallimard, nrf, page 76
Parfois les absents sont là
Plus intensément là
Mêlant au dire humain
Au rire humain
Ce fond de gravité
Que seuls
Ils sauront conserver
Que seuls
Ils sauront dissiper
Trop intensément là
Ils gardent silence encore.
François Cheng
Trois arbres tombés sont restés au bord du sentier.
Oubliés du bûcheron, ils s'entretiennent,
fraternellement serrés, comme trois aveugles.
Le soleil couchant verse
son sang vif dans les troncs éclatés,
les vents emportent le parfum de leur flanc ouvert.
L'un, tout tordu, tend un bras immense,
frissonnant de feuillage, vers l'autre
et ses blessures sont pareilles à des yeux pleins de prière.
Le bûcheron les a oubliés.
La nuit viendra. Je resterai avec eux.
Je recueillerai dans mon cœur
leurs douces résines, elles me tiendront lieu de feu.
Muets, pressés les uns contre les autres,
que le jour nous trouve monceau de deuil.
Poème traduit de l’espagnol par Claude Couffon
Source: https://www.franceculture.fr/emissions/poeme-du-jour-avec-la-comedie-francaise/paysage-de-patagonie-trois-arbres