Dépendance et liberté

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En quoi la dépendance est-elle porteuse d'une des plus grandes libertés?

La liberté est dans la dépendance, voici un oxymore qui pourrait nous venir tout droit de la novlangue chère à Georges Orwell. Aussi farfelues et provocatrices que les expression bien connues dans son œuvre dystopique(1) 1984 : La guerre, c'est la paix, la liberté, c'est l'esclavage, l'ignorance, c'est la force.

La dépendance est-elle porteuse d'une des plus grandes libertés? Si, cette question qui évoque la contradiction d'un lieu commun, a mérite d'être posée, c'est que ces deux sujets, liberté et dépendance, provoquent le questionnement plus dans la recherche de leur sens que de leur définition.


Même s'il n'est pas question d'éviter de définir tour à tour liberté et dépendance – ce qui sera fait - l'objet de la réflexion sera d'être au plus précis du rapprochement de ces deux termes. Il y a des cheminements personnels qui font apparaître ce qui nous semblait autrefois intelligible, rationnel et naturel, comme des choses aujourd’hui, à décrypter, à nuancer, des choses qui auraient vieilli.


Quand je suis entré dans la carrière de la vie, celle où l'on commence à conceptualiser, j'aurais bien sûr dit : L'indépendance est porteuse d'une des plus grandes libertés. En jeune anarchiste, en quête de ce que je croyais être ma liberté, j'aurais enrôlé, l'autonomie, l'insoumission, l'indépendance. J'aurais combattu l'autorité, la servitude, la dépendance. Je ressentais trop aimer la vie pour perdre mon temps à attendre que le temps passe. Trop dans l'air du temps – ce que l'on pourrait appeler l'impérialisme du présent – pour envisager un seul instant une dépendance au temps.


Mais aujourd’hui, avec l'empirisme qui relativise les concepts trop évidents, quelques expériences et connaissances de phénomènes de dépendances me font envisager la liberté avec une plus grande indépendance de pensée.


En particulier, deux expériences vécues m'ont fait réfléchir à la dépendance et à la liberté et à ce que cette première apportait - bien loin de la restreindre - à la seconde.
Une expérience avec ma mère où j'ai assisté un moment de sa vie que l'on nomme la dépendance des personnes très âgées.


Une seconde expérience où j'ai vécu une passion affective, relation dans laquelle, se pose le rapport de la dépendance et de la liberté.

Donc si l'on veut démontrer l'aspect positif que la dépendance apporte à la liberté, il est nécessaire d'abord séparément de définir ces deux mots dépendance et liberté.

La dépendance est généralement, le fait d'être lié organiquement ou fonctionnellement à un ensemble ou à un élément d'un ensemble.


La dépendance, du moins en ce qui concerne son caractère (registre) relationnel, est défini par une relation de subordination, de solidarité ou de causalité.

La subordination n'est bien sûr pas l'aspect de la dépendance qui favoriserait le mieux la liberté. A moins que la subordination, comme la servitude, soit volontaire. Dans ce cas, quel est ce genre de liberté ?

La solidarité fait appel à l'union et ne s'oppose pas en soit à la liberté. 1

La causalité (2) ou Principe de causalité, est le principe suivant lequel rien n'est sans cause. Un tel principe ne semble pas s'opposer à la liberté.

La liberté, de façon générale, est un concept qui désigne les possibilités d'action, de mouvement, de décision, de penser.


3 formulations de la liberté nous la font cerner :


formulation négative : où l'on pointe l'absence de soumission, de servitude, de contrainte.

formulation positive : où l'on affirme l'autonomie et la spontanéité du sujet rationnel ; les comportements humains volontaires se fondent sur la liberté et sont qualifiés de libres.

formulation relative : l'équilibre à trouver dans une alternative, visant notamment à rendre la liberté compatible avec des principes tels que l'égalité et la justice.

La liberté, se sentir libre, c'est toujours ou souvent de l'interdépendance entre moi et l'autre, entre moi et les objets de mes désirs. Comme quoi, on ne peut éprouver la liberté qu'en rapport avec la dépendance qu'on éprouve. Si nous faisons ce que nous voulons, sans dépendance, notre liberté est avant tout une licence. La licence comme la manifestation de la liberté totale que l'on se donnerait dans une indépendance totale de notre être. La licence que nous demandons à l'autre, à l'institution, comme le diplôme du même nom – qu'il soit universitaire ou pour pour vendre de l'alcool, n'est pas la liberté. C'est au plus un marchandage que nous commerçons dans notre besoin de reconnaissance.

La liberté, Sartre nous l'a expliqué, est tout autre chose. Elle a besoin de résistance pour s'affirmer. Elle consiste à consentir à des règles qui vont permettre d'agir délibérément en vue de réaliser un projet. La liberté est une action intentionnelle qui pose un choix créateur.

La liberté pose donc immédiatement la question de choisir et de la possibilité de choix. L'existence d'un degré de liberté suppose que le sujet soit confronté au moins à une alternative dont il est par conséquent dépendant.

Pour revenir au deux cas exemple précédemment évoqués, en quoi la dépendance a-t-elle apporté de la liberté dans mes expériences vécues?

Quand je me suis occupé de ma mère, les trois dernières années de sa vie, elle vivait dans ce qu'on appelle la dépendance. Aveugle, infirme de ses mouvements, clouée dans sa maison puis dans sa chambre. Assistée trois fois par jour par une auxiliaire de vie salariée. Pour ma part, j'allais la visiter presque une fois par semaine et restais avec elle une journée. Je la voyais donc dans cet état de dépendance dont il était peu probable qu'il s'améliore. Elle, devait bien avoir conscience que cet état serait le sien jusqu'au bout.

Alors deux questions m'ont été posées. Comme se faisait-il que dans cet état dépendant, cette femme respirait la plupart du temps la joie comme je ne l'avais jamais vue, et avait quitté presque définitivement son tempérament dépressif et son comportement vindicatif.

Comment se faisait-il que dans ma propre dépendance d'être obligé, par devoir, de passer du temps de présence avec elle, j'ai pu réaliser enfin de ce qui avait été la joie de l'avoir eu comme mère. De par cette dépendance de présence, d'avoir pu éprouver de cette réconciliation intérieure de par ce qui avait été toujours problématique et peine de ma relation avec elle.

Comme si de cette dépendance était née une liberté de reconnaissance. Comme si le temps de cette dépendance avait apporté le temps nécessaire à la liberté de se sentir vivre, pour ne pas dire de revivre.

Dans le deuxième exemple où j'ai rencontré l'apparente contradiction entre dépendance et liberté, il s'agit d'une relation entre pairs, que l'on peut qualifier de relation affective intense et suivie. Qu'elle soit amoureuse ou d'amitié, la question du comment cette affection, cette passion a pu me rendre libre.

La dépendance, ici est de l'ordre de l'affection, comme quand deux personnes sont affectés à faire couple, dont l'affectation est l'union. Comme un couple qui a fait le choix de la fidélité dans le temps, comme la privation de la liberté d'aller voir ailleurs. Comme le couple qui fabrique par attirance, par affinité, cette grande dépendance que l'on nomme fusion. Cette dépendance, par lequel l'un est assujetti à l'autre. Ou symboliquement, il y a par moment comme une confusion des sujets.

Dans ce cadre rassurant – du moins tant qu'il est solide – ces deux qui s'aiment – on peut appeler ça comme ça – ces deux, gagnent une certaine liberté. Liberté de se mouvoir en confiance, puisque la relation établie, ils peuvent s'y fier. Dans cette dépendance encadrée, dans les limites fixées, donc qui ne bougent pas, les deux jouissent d'une des plus grandes libertés.

Dans le relationnel, l'humain ne cherche-t-il pas la dépendance bien avant la liberté. Ne passe-t-il pas dans les étapes de la vie, de la naissance, dépendance originelle et totale, à la mort, liberté suprême et totale. En quelque sorte, de la dépendance nécessaire pour acquérir une liberté suffisante.

Dans notre société, que cela soit au niveau individuel ou du modèle social, la dépendance n'a pas bonne presse. La personne autonome y est vantée, comme le sommet de l'accès à la liberté. La dépendance y est honni, comme l'image de la faiblesse, de celle qu'il faut cacher, si ce n'est éradiquer. Et c'est alors que l'on peut se demander par où est passée la liberté et comment elle nous touche et comment la toucher. Comme de cette strophe du fameux poème Liberté de Paul Eluard .

Sur l'absence sans désir Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort J'écris ton nom

Liberté

ou la chanson de Moustaki

Ma liberté
Devant tes volontés Mon âme était soumise

Serge Durrieux

(1) dystopique, aussi mauvais, désespérant, qu'une chose, une société puisse être.

(2) La causalité a pour premier terme la cause, c'est-à-dire la nécessité pour chaque partie d'être, par le fait de ce qui est hors d'elle, autre qu'elle ne serait si elle était seule.

 

C'est un petit matin doux

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C’est un petit matin, doux, ensoleillé et si simple

Odeur de linge frais édredon

Rassérénée

Tiédeur et coton

et pourtant

Il vient m’enserrer

le monde

m’encercle et me malmène

me perce et m’agresse de ses flèches

me griffe

m’accable et m’assourdit

Alors

ne pas se perdre

Acquiescer

sentir écouter

humer

la brise et le souffle

le vent les nuages

la caresse de ta main

l’azur l’herbe

et le violon

le roulis des vagues

et le rire

Les fruits sont mûrs

Oct 2011

Brigit Descot

 

Alexandre Jollien

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Voici ce qu'Alexandre Jollien écrit de lui-même sur son site internet:

"C’est à Sierre (Suisse) que je pousse mes premiers cris le 26 novembre de l’an de grâce 1975. De 3 à 20 ans, je vis dans une institution spécialisée pour personnes handicapées dans cette ville. A trop vouloir bouger dans le sein maternel, je m’enroule en effet par trois fois le cordon ombilical autour du cou ce qui provoque, au passage, quelques « dégâts ». S’en suit une infirmité motrice cérébrale.

A l’institut, je découvre la joie de vivre de solides amitiés avec mes camarades et malgré le contexte, un brin délicat, je constate que la vie gagne toujours du terrain. Tout y est motif d’étonnement et d’émerveillement. D’où peut-être très jeune, une vocation pour « les choses de l’esprit ».

Le weekend, je rentre à la maison pour savourer la tendresse de ma mère Louiselle, l’humour de mon papa Norbert et le soutien bienveillant de mon frère Franck.

Très tôt, la vie s’annonce sous le mode d’un parcours du combattant. C’est ainsi qu’à l’institut, je passe un à un les obstacles pour arriver à suivre une scolarité dite normale. Entre temps, j’apprends à l’âge de 8 ans à marcher. Mais la grande affaire est ailleurs.

En 1993, je m’inscris dans une école de commerce pour « assurer mes arrières » et apprendre un métier. Par hasard, j’entre dans une librairie pour accompagner une amie et tombe sur un ouvrage sur Platon qui invite à vivre meilleur plutôt qu’à vivre mieux. La révélation est inouïe. Je sors de la librairie, le livre sous le bras et bientôt un projet naît : étudier la philosophie. Je rentre donc au Lycée au Collège de la Planta à Sion en 1997 qui m’ouvre ensuite les portes de l’Université de Fribourg où j’obtiens une licence en lettres au printemps 2004. Mon mémoire porte sur la thérapie de l’âme dans la Consolation de la Philosophie de Boèce. Juste avant, j’étudie le grec ancien au Trinity College de Dublin de 2001 à 2002.

Parti pour y parfaire mon anglais, j’y rencontre Corine, elle aussi valaisanne, avec qui j’ai la joie de me marier et d’avoir trois enfants, Victorine, née en 2004, Augustin qui voit le jour en 2006 et Céleste, née en 2011. 

Aujourd’hui, j’essaie de vivre à fond les trois vocations que m’a données l’existence : père de famille, personne handicapée et écrivain."

 

Voici un court extrait d'un texte d'Alexandre Jollien:



« La vie est bien trop courte pour perdre son temps à se faire une place là où l’on n’en a pas, pour démontrer qu’on a ses chances quand on porte tout en soi, pour s’encombrer de doutes quand la confiance est là, pour prouver un amour à celui qui n’ouvre pas les bras, pour performer aux jeux de pouvoir quand on n’a pas le goût à ça, pour s’adapter à ce qui n’épanouit pas.

La vie est bien trop courte pour la perdre à paraître, s’effacer, se plier, dépasser, trop forcer.

Quand il nous suffit d’être, et de lâcher tout combat que l’on ne mène bien souvent qu’avec soi, pour enfin faire la paix, être en paix. Et vivre. En faisant ce qu’on aime, auprès de qui nous aime, dans un endroit qu’on aime, en étant qui nous sommes, Vraiment ».

 Trouver la beauté, la joie, là où elles se donnent : dans ce corps, dans cet être, dans cette vie et non une vie idéalisée. C’est dans le quotidien, dans le banal que la joie réside.»

 

Voici quelques uns des livres d'Alexandre Jollien:

  • La Sagesse espiègle

  • Trois amis en quête de sagesse

  • Vivre sans pourquoi

  • Petit traité de l’abandon

  • Le philosophe nu

  • La construction de soi

  • Le métier d’homme

  • Eloge de la faiblesse

  • La philosophie de la joie

 

Pourquoi l'écologie perd toujours

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Il nous arrive d’entendre cette formule : nos politiques ne sont pas à la hauteur. C’est évident dans le cas de l’écologie, puisque rien ou si peu n’est fait par le gouvernement pour enrayer la machine infernale. Mais sa responsabilité, tout comme celle des multinationales et du fameux 1 %, n’est (presque) plus à prouver.

Clément Sénéchal s’attelle ici à comprendre les autres causes, plus discrètes, qui conduisent l’écologie politique à l’échec : celles qui s’enracinent dans son propre camp. Structurellement, l’écologie, fruit de l’environnementalisme, s’est constituée comme une cause des élites. Dès les années 1970, ses militants, les ONG et certains politiques ont fait d’elle un objet de lutte pour privilégiés, morcelable, négociable et, surtout, profitable. Et, ce faisant, ils et elles ont réduit la lutte à une mise en scène, une morale abstraite, éloignée des citoyens et des citoyennes.

Ces acteurs de l’écologie B.C.B.G., s’ils ne cessent de marteler les constats scientifiques, se montrent nettement moins diserts sur leur propre échec. Pour construire les victoires de demain, il est pourtant nécessaire de regarder les impasses de cette « écologie du spectacle » bien en face. Un essai fort, qui pose enfin des mots sur une évidence politique.

Diplômé de sociologie et de philosophie politiques, expert des enjeux climatiques, Clément Sénéchal a été porte-parole dans une grande ONG environnementale pendant plusieurs années.

 

 

Voici le contenu du livre:

Introduction

PARTIE 1 : L'environnementalisme moderne : naissance d'un spectacle

Chapitre 1 – Mythologie d’un échec
Chapitre 2 – Baleines grandeur nature
Chapitre 3 – L’arche des bobos
 

PARTIE 2 : L’environnementalisme contemporain, ou l’impuissance organisée
 

Chapitre 4 – L’écologie contre elle-même
Chapitre 5 – Les écocitoyens face aux insurgés
Chapitre 6 – Le monde d’après pour plus tard
Chapitre 7 – Dilettantisme électoral
 

PARTIE 3 : La mort de l’environnementalisme
 

Chapitre 8 – La stratégie perdante de la transition
Chapitre 9 – Les nouveaux victorieux

Conclusion 

Pour regarder et écouter Clément Sénéchal:

Clément Sénéchal

Le livre de l'intranquilité

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Court extrait de ce livre que je n'ai pas lu mais dont j'ai entendu parler:

"Vivre, c’est être autre. Et sentir n’est pas possible si l’on sent aujourd’hui comme l’on a senti hier : sentir aujourd’hui la même chose qu’hier, cela n’est pas sentir – c’est se souvenir aujourd’hui de ce que l’on a ressenti hier, c’est être aujourd’hui le vivant cadavre de ce qui fut hier la vie, désormais perdue.

  Tout effacer sur le tableau, du jour au lendemain, se retrouver neuf à chaque aurore, dans une revirginité perpétuelle de l’émotion – voilà, et voilà seulement ce qu’il vaut la peine d’être, ou d’avoir, pour être ou avoir ce qu’imparfaitement nous sommes.

  Cette aurore est la première du monde. Jamais encore cette teinte rose, virant délicatement vers le jaune, puis un blanc chaud, ne s’est ainsi posée sur ces visages que les maisons du côté ouest, avec leurs vitres comme des milliers d’yeux, offrent au silence qui s’en vient dans la lumière naissante. Jamais encore une telle heure n’a existé, ni cette lumière, ni cet être qui est le mien. Ce qui a été, demain sera autre, et ce que je verrai sera vu par des yeux recomposés, emplis d’une vision nouvelle.

Collines escarpées de la ville ! Vastes architectures que les flancs abrupts retiennent et amplifient, étagements d’édifices diversement amoncelés, que la lumière entretisse d’ombres et de brûlures – vous n’êtes aujourd’hui, vous n’êtes moi que parce que je vous vois, vous êtes ce que vous ne serez plus demain, et je vous aime, voyageur penché sur le bastingage, comme un navire en mer croise un autre navire, laissant sur son passage des regrets inconnus."

                                                                                                                             

(28 mai 1930)

 

Fernando António Nogueira Pessoa

Poète portugais (Lisbonne 1888-Lisbonne 1935).

Fernando Pessoa est le plus illustre poète portugais de la première moitié du xxe siècle et l'une des personnalités les plus complexes de la littérature européenne moderne. Il n'a, de son vivant, publié que fort peu et son influence ne s'est affirmée qu'après sa mort.

Source: 

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Fernando_Ant%C3%B3nio_Nogueira_Pessoa/137760

 

La vie de Fernando Pessoa n'a pas été un long fleuve tranquille...

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