Juste la fin du monde: ce chef d'oeuvre à la Dolan.
Rédigé par yalla castel - - Aucun commentairePhoto: Zoom sur un détail de la fresque du jugement dernier de Michel Ange.
Une pépite.
« Juste la fin du monde », c’est cette pépite créée par Xavier Dolan et adaptée en 2016 de la pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce. Un long métrage qui a eu l’effet d'une bombe émotionnelle ayant su décupler nos sentiments, tout comme l’avait fait « Mommy » en 2014. Un film qui a donc incontestablement mérité le prix du jury œcuménique à Cannes en 2016.
Il s’agit de l’histoire bouleversante de Louis, 34 ans, qui après 12 années d’absence revient voir sa famille, afin de leur annoncer... sa mort. La venue de ce frère, cet enfant presque oublié de ses proches va alors provoquer de nombreuses tensions au sein du groupe. Elles se ressentiront jusque dans le cœur des spectateurs, à bout de souffle devant le déchirement d'une famille liée par un amour inconditionnel et confus.
Un chaos familial.
Très vite, l'humanité que dégagent les personnages, et chacune des leurs imperfections attirent notre attention, nous pousse à l’assimilation. Le langage courant qu'ils utilisent, leur façon de se répondre, agressive, désordonnée et brutale, nous projette spectateur d'un foyer en conflit, qui ne sait comment communiquer. On retrouve au sein de ce chaos familial, un Louis et sa fratrie que tout oppose. Son calme et sa retenue constituent un oxymore évident, un contraste qui pousse le spectateur à la compassion.
Lassés de cette absence prolongée, chacun à leur tour, les membres de la famille vont tenter d'obtenir des réponses : jamais clairement avouées, toujours sous entendues. Finalement ils sont face à un inconnu, celui qui n'existait qu'à travers des lettres. Ce désarroi conduit à la même interrogation récurrente et désarmante : « pourquoi t'es là ? ». Louis est ainsi au pied du mur.
Relations toutes différentes les unes des autres, mais relations d’exception tout de même qui lient les 5 personnages. Tels des bombes à retardements ils ne laisseront jamais les spectateurs de marbre face à la complexité de leurs émotions : sans arrêt scindés entre le pardon et la rancœur.
L'image d'un Louis différent de son frère et de sa sœur se construit progressivement. Un louis à qui tout réussit et qui réussit tout. Un Louis qui endosse le rôle de l'Homme de la maison et de l'enfant prodigue. C'est donc nourri par une admiration néfaste qu'un fossé va lentement se creuser entre le garçon et sa famille.
Un silence éloquent.
« Juste la fin du monde », c'est aussi des messages qui sont non pas dans la langue, dans les excès ou dans la loquacité, mais dans les silences, dans les regards qu'on vole par-dessus l'épaule. C'est à cette communication si particulière que Catherine, femme d’Antoine a entendu la mort prochaine de Louis. Un paradoxe quand on sait qu'elle ne l'a jamais vu, qu'elle le rencontre pour la première fois. Liés par ce secret découvert presque par hasard, les deux personnages vont former un duo à part, réunis par un simple regard.
« Juste la fin du monde » c'est encore beaucoup de malaises, de nervosité et de non-dits, mis en évidence par une façon de filmer et des plans extraordinaires. C'est une multitude de couleurs et de musiques qui mettent en exergue à la perfection chaque action et qui décuplent nos sens. C'est cette sueur, qui, de plus en plus importante vient progressivement se mêler aux larmes. Ce sont ces métaphores qui nous guident : Cette horloge semblant caractériser le temps qui nous trahit et nous abandonne laissant filer sans la moindre culpabilité ses minutes et ses secondes.
Enfin, « juste la fin du monde » c'est ce tout, dans lequel rien n’est laissé au hasard.
Alice Gapail.