Communiquer... où et quand?

Rédigé par yalla castel - - 4 commentaires

Le Coureau, Lot-et-Garonne, photo Michel Queyreur.

 

Ce soir-là, je téléphonais à un de mes cousins et amis et je sentais que je le dérangeais mais qu'il n'osait pas me le dire .

-« Où es-tu ?, qu'est-ce que tu fais ? »

-« Je suis au restaurant et je mange une brrrrouillade de truffes »

Comme nous sommes de Narbonne, il roule les rr .

La brouillade de truffes est un plat très savoureux qui ne peut pas attendre

-« Bises, je te rappelle plus tard »

A d'autres moments, il aurait été très content d 'entendre ma voix mais là ce n'était pas le moment, ce n'était pas le lieu.

Cette anecdote nous est restée accompagnée d'un grand éclat de rire .

.....

Un soir de printemps où le jardin embaume de vie et d'espoirs, juste avant de me coucher, je vais fermer mon ordinateur pour la nuit.

Un message apparaît : Le responsable des Restos du Cœur nous annonce le. décès de l'un d'entre nous, un des bénévoles les plus jeunes toujours prêt à plaisanter avec tous, mort subite.

Cette triste nouvelle m'aurait seulement fait de la peine si je l'avais apprise à un autre moment.

Par contre, je n'en ai pas dormi de la nuit et ma journée du lendemain a été gachée

 

De la même manière, la télé déverse ses tombereaux de catastrophes tous les soirs, souvent pendant le repas. 

Triple nuisance : le moral des téléspectateurs en berne, le repas plus ou moins gâché, et l'impossibilité pour les convives d'échanger ce qu'ils ont sur le cœur.

 

Manger en silence peut être un répit , un moment accordé à la communication avec soi-même. 

A l'abbaye du Rivet nous mangions parfois en silence, j'y passais quelques jours de repos. Aucun moyen moderne de communication.

Pour remercier les sœurs, je suis allée acheter des fleurs pour la chapelle à la ville la plus proche.Au monastère du Rivet, la plupart des visages reflétaient le calme,la sérénité . En ville les habitants avaient des visages tendus, anxieux . A voir la mine triste des habitants, j'ai cru qu'une catastrophe que j'ignorais était arrivée dans cette ville.

Pas du tout,

ils portaient seulement sur leurs visages tous les malheurs du monde qu'ils avaient vus à la télé, et

c'était il y a quelques années.

Le monde de la communication a encore beaucoup évolué, pour ne pas en être victime, il nous faut vraiment « un supplément d'âme » et beaucoup de silence.

Marie-Christine Queyreur

4 commentaires

#1  - A.L a dit :

Et de plus, nous tendons vers d'autres présences de beauté, vers une chance d'ouverture et d'élévation. C'est bien grâce à la beauté qu'en dépit de nos conditions tragiques nous nous attachons à la vie. Tant qu'il y aura une aurore qui annonce le jour, un oiseau qui se gonfle de chant, une fleur qui embaume l'air, un visage qui nous émeut, une main qui esquisse un geste de tendresse, nous nous attarderons sur cette terre si souvent dévastée. J'aimerais pousser la hardiesse jusqu'à dire que la beauté, d'une certaine manière, justifie notre existence. N'est-il pas vrai qu'au sein de la beauté, but de notre quête, nous éprouvons la sensation de ne plus viser à rien d'autre? Force nous est de constater qu'elle est essentielle dans la mesure où elle participe du fondement de notre existence et de notre destin.

Oeil ouvert et coeur battant de François Cheng.

Répondre
#2  - A.L a dit :

L'écrit est peut-être le meilleur lieu de l’écoute. Surtout en ce moment où les oreilles sont fermées à la parole de l’autre, surtout si elle différente de son propos et de celui de sa famille de pensée. Sur une feuille de papier ou un écran, personne n’interrompt ni n’élève le ton pour coloniser l’espace sonore. La possibilité de laisser glisser du silence, de la respiration, du doute, des questions, entre les mots et l’œil lecteur.  L’écriture me semble être le territoire intime de l’écoute du plus profond de soi, de l’autre, et de son époque. Sans subir la pression de devoir rendre l'antenne ou courir après l'audimat souvent bouffeur de pensée. Ni de raccourcir sa pensée pour la faire rentrer dans les cases à cocher.  Libre de pouvoir aller plus loin, plus profond, que l'émotion en direct. Là où le complexe n'est pas nécessairement synonyme de compliqué. Et le simple de simplisme. complexité et simplicité peuvent cohabiter. Loin des raccourcis et impasse de notre ère de la réduction de la pensée. Et artifice de l'intelligence creuse. L'écrit et la lecture: les derniers espaces de la pensée longue ?

Source: https://blogs.mediapart.fr/mouloud-akkouche

Auteur de romans, nouvelles, pièces radiophoniques, animateur d'ateliers d'écriture...

Répondre
#3  - Serge a dit :

Communiquer : où et quand ? Et on pourrait rajouter : comment ? Et on n'en finirait pas de questionner notre relation à la communication. Nous avons besoin de communiquer, le pourquoi ne se pose pas. Alors pourquoi avons-nous tant de difficultés à nous entendre ?
Marie Christine, tu nous parles du moment et du lieu de la communication et tu en arrives à la conclusion que ce n'est pas facile de trouver le moment et le lieu.

A.L, tu nous « communiques » de la beauté et qu'en dépit des conditions tragiques de notre existence, elle serait une aide à communiquer et peut être, avec un sentiment de hardiesse, à communier.

A.L, tu nous communiques encore de l'écrit et la lecture: les derniers espaces de la pensée longue ? Pensée longue qui prend son temps. Pensée large qui prend son espace face à "la porte étroite" de notre écoute.
Alors, lire la vie de l'autre et écrire la relation avec l'autre, c'est exister, comme le dit l'écrivain du courrier des lecteurs ?

Courrier des lecteurs – Sud-Ouest 16 déc 23
Écrire, c’est exister...
Vouloir parler du bonheur d’écrire quand des populations sont décimées par des guerres inutiles avec pour unique horizon le fol espoir de seulement survivre, n’est-ce pas indécent ? Alors que je me rapproche peu à peu du bout d’une vie déjà faite, je m’indigne de voir des enfants perdre la leur sans avoir eu le temps de la vivre. Cependant, j’ose échapper un instant à cette écume du présent sans oublier que le bonheur de l’un ne peut remplacer le malheur de l’autre. Entreprendre d’écrire est donc avant tout une volonté, mais pas plus que de courir, faire du vélo ou de la gym. Et évoquer ce lien sportif n’est pas incongru tant les deux disciplines conduisent au bien-être, à cet accomplissement de soi que tout être ressent chaque fois qu’il en fait usage. Le cerveau dont il est question est cet organe aux incroyables facultés d’adaptation qui, tel un muscle, s’améliore d’autant plus qu’il est sollicité pour obtenir de lui des capacités dont on ne soupçonnait pas être doté. Se faisant, il se dit que l’on écrit moins, que ce n’est plus à la mode, rien n’est moins sûr et si la lettre manuscrite disparaît peu à peu, de nouveaux outils sont disponibles : courriels, SMS, réseaux sociaux et leurs flots de commentaires. Pour les plus investis, il y aura le blog et sa publication numérique, les concours de nouvelles invitant à la création littéraire et pourquoi pas la rédaction de ses mémoires. Une certitude, recueillir de son cerveau les pensées les plus loufoques, les plus profondes comme les plus anciennes, sera assurément une thérapie pour encore mieux apprendre à se connaître et se dire, tout en se rassurant : écrire, c’est exister…
Jean-Pierre Cassagne, Pessac (33)

Répondre
#4  - AL a dit :

Merci Serge et longue vie à vous deux.

Répondre

Fil RSS des commentaires de cet article

Écrire un commentaire

Quelle est la deuxième lettre du mot thgnye ?