L'affiche rouge

Rédigé par yalla castel - - 2 commentaires

L’« affiche rouge » contre la glu des origines

Mercredi 21 février, Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon. 

Bonne nouvelle, il aura fallu 80 ans mais bonne nouvelle.

Mais pourquoi pas les vingt-trois de l’« affiche rouge » ? Pourquoi seulement Mélinée et Manouchian ? Il ne fut leur chef que durant les trois derniers mois, avant qu’ils soient tous fusillés ensemble, ce matin du 21 février 1944 où tout avait la couleur uniforme du givre. Non pas 23, mais 22 ce jour-là, 22 hommes. Il y avait une femme condamnée à mort aussi, la roumaine Olga Bancic. Elle fut exécutée plus tard, le 10 mai 1944 à Stuttgart, le cou tranché à la hache.

Leurs noms figureront sur une plaque près des Manouchian au Panthéon. Mais pourquoi pas tous ensemble ? Ils n’avaient pas demandé tout ça, ni à figurer sur l’« affiche rouge », ni à figurer au Panthéon comme décor pour le grand show de la macronie. Ils n’avaient réclamé la gloire ni les larmes. On entend déjà Macron, avec sa voix de cabotin et sa fausse émotion, faire l’éloge de ces étrangers et nos frères pourtant, alors même que sa loi « immigration » exploite la pire xénophobie, alors que même la loi du sol est remise en question, alors que l’extrême droite qu’il a favorisée est déjà sur le palier. Aujourd’hui, avec sa gueule de métèque, Manouchian serait bloqué à la frontière.

Aujourd’hui, combien d’étrangers de ce genre ne viendront jamais nous réinventer la France ?

Ceux de l’« affiche rouge » étaient polonais, arméniens, hongrois, italiens, espagnols, roumains et même français, peu leur importait, ils n’étaient pas cloués à leurs origines. Ils n’avaient pas leur terre collée à la semelle de leurs souliers, ils n’étaient pas retombés dans ce que Daniel Bensaïd appelait la « glu des origines ».

Ils étaient d’abord internationalistes. L’Internationale était leur acte de foi, leur cantique et leur feuille de route. Antifascistes aussi, ils avaient combattu contre Mussolini, contre Franco dans les Brigades internationales. C’était des ouvriers, des artisans, des tailleurs, des poètes parfois, mais surtout des « partisans ». FTP, MOI. Francs-tireurs et partisans, main-d’œuvre immigrée. Certains étaient juifs. C’était déterminant mais surtout pour les nazis. Les autres, quelle religion ? On dit que Manouchian a communié le matin avant d’être fusillé. Mais surtout, presque tous étaient communistes, voilà leur conviction. Amoureux de vivre à en mourir. Et à tuer puisqu’il le faut. « Tu ne fais pas de mal, tu ne fais que tuer des tueurs », disait Manouchian, le héros que la macronie s’apprête à célébrer. On attend que la phrase résonne sous les voûtes illustres et qu’elle se répète jusqu’au fin fond du monde.

La justice viendra sous leurs pas triomphants.

La macronie, c’est ni droite ni gauche. « Les extrêmes » se rejoignent. Ils sont excessifs et dangereux. Ce qui est juste, c’est le juste milieu. C’est le « en même temps ». Ni pour ni contre, bien au contraire. C’est l’état d’esprit de la collaboration. On sait ce qui sort de ce ventre mou. L’« affiche rouge » remet les extrêmes en lumière, pas d’arrangement. On ne met pas dans le même sac Hitler et le Front populaire.

Et la France, eux « qui criaient la France en s’abattant » ?

Pour quelle France mouraient-ils, ces étrangers ? La France de Laval et de la rafle du Vél’d’Hiv ? La France qui faisait suer le burnous dans nos belles colonies ? Ou celle d’aujourd’hui, lâche devant le massacre des enfants de Gaza ?

Alors, qu’auraient-ils préféré les vingt et trois de l’« affiche rouge » si on leur avait demandé : être oubliés ou être empaillés ?

Avant qu’ils aient répondu, les fusils fleurirent.

Daniel Mermet (Emission "Là-bas si j'y suis")

2 commentaires

#1  - Alain a dit :

Contre la glu des origines...
ça n'a rien à voir avec la Résistance mais un peu justement avec " la glu des origines".

Ce bouquin "Comment la société française réussit encore l’intégration:

Selon l’auteur, « peu de personnalités politiques contemporaines parlent d’intégration dans leurs discours, sinon pour en souligner l’échec ». Il précise : « On retrouve une intégration fantasmée des vagues d’immigration du début du XXe siècle (Polonais, Italiens, Espagnols, Portugais…), on montre en exemple l’excellente intégration des populations d’origine asiatique pour souligner par contraste une intégration qui ne fonctionnerait plus pour les Nord-Africains et les Subsahariens. »
Lire la suite ici:
https://www.nonfiction.fr/article-11924-comment-la-societe-francaise-reussit-encore-lintegration.htm

Pour moi le temoignage le plus saisissant est celui de cette jeune fille je suppose après que la bibliothèque de la cité eut été détruite:

« Je me suis battue pour qu’il n’y ait pas une autre bibliothèque dans ma cité, parce que je voulais en sortir. Si on mettait des services publics et d’autres bibliothèques dans le quartier, ça donnait toutes les excuses à mes parents pour que je n’aille pas prendre le bus. […] Sortir du quartier, c’est rencontrer d’autres personnes, ne pas enfermer les gens dans leur monde ; pour ne pas les laisser dans leur carcan et leur permettre d’être en situation de découvrir autre chose qu’une certaine misère dans leur cité.»

Que faut-il comprendre de ce commentaire ? Détruire les lieux de culture est ce lutter contre l'ouverture au monde ou lutter contre l'enferment ?

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#2  - jfs47 a dit :

Si je rencontrais cette jeune fille j'aimerais lui dire qu'elle peut lutter contre l'enfermement et s'ouvrir au monde sans légitimer la destruction d'une bibliothèque et sans s'opposer au maintien des services publics.

« Tu ne fais pas de mal, tu ne fais que tuer des tueurs », disait Manouchian. S'il revenait parmi nous qui Manouchian tuerait dans le monde d'aujourd'hui?

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