Voilà. Je ne voudrais pas avoir l'air de triompher à la façon immodeste des hommes. Mais voyez ce qui se passe. La nécessité me tue. Dieu est mort. Le hasard me ressuscite. Et puis, le hasard me menace à son tour. Le monde s'en va à vau-l'eau. La nécessité me renfloue. Mes ennemis passent leur temps à hurler à ma mort et à verser sur ma fin des larmes, souvent de crocodiles. Je passe mon éternité à revivre dans le coeur de mes créatures.
A la fin des années soixante du vieux siècle écoulé, une inscription était apparue sur les murs d'une grande université américaine :
Dieu est mort. Nietzsche.
Une main, humaine je crois, avait effacé le blasphème et écrit à la place :
Nietzsche et mort. Dieu.
Source: "C'est une chose étrange à la fin que le monde". Jean d'Ormesson de l'Académie française. (1925-2017). Roman édité par Robert Lafffont en 2010.