Heureux ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds, les rancuniers, ceux qui paient de retour, oeil pour oeil, les durs qui n'oublient rien et qui ne s'amolissent pas en faisant parler leur coeur.
Mais non dit Jésus: heureux les miséricordieux. Ceux qui sont capables de pleurer et de se réjouir avec leurs frères, ceux qui ne connaissent pas la sécheresse de l'indifférence, ceux qui avant de parler posent sur tout être un regard d'amour, ceux qui consolent et n'en ont pas honte, ceux qui s'ouvrent aux cris de leurs frères, ceux qui ont leur coeur pour unique mesure.
Père Jean Dubruynne (1925/2006)
Heureux ceux qui contournent la justice, les habitués de la tromperie, ceux qui créent leur propre loi et se prennent comme unique base de comportement; ceux qui disent avec certitude: ceci est bien, ceci est mal. Ceux qui trichent, ceux qui évacuent le droit, ceux qui sont certains d'avoir toujours raison. Le terre est à eux.
Mais non dit Jésus: heureux ceux qui ont faim et soif de justice. Ceux qui restent justes malgré tout, ceux qui utilisent leur intelligence pour donner à chacun ce qui lui est dû, ceux qui harmonisent leurs actions, leurs pensées avec le vouloir de Dieu, ceux qui sont passionnés pour l'homme et qui paient de leur personne pour que l'homme ne soit plus une denrée qui s'achète et se vend, qui se battent pour qu'il puisse vivre debout dans la dignité.
Père Jean Debruynne (1925/2006)
Heureux les violents, les forts en gueule, ceux qui écrasent et savent se servir de leurs poings, de leurs idées et de leur puissance pour se tailler une place et se mettre en valeur, ceux dont la mousse déborde, ceux qui empêchent les autres d'exprimer leurs opinions, ceux qui dirigent. La terre est à eux.
Mais non dit Jésus: heureux les doux! Non pas les mollassons, les résignés: rien de plus inhumain que la résignation. Mais heureux les solides, les patients qui ne lâchent pas. Ceux qui ne hurlent pas avec les loups, ceux qui ne craignent pas de parler même lorsque les mots font mal, ceux qui ont le courage d'affronter des conflits, ceux qui pour épouser les comportements de Dieu, son infinie patience et sa tolérance sans limite, acceptent de se laisser parfois écarteler sur une croix.
Père Jean Debruynne (1925-2006)
Heureux ceux qui rient, qui en profitent, qui se noient dans la rechercher frénétique de leurs plaisirs, ceux qui s'en tirent toujours, qui disent que la Croix est une erreur et qu'il est morbide de regarder le Dieu sanglant qui y est cloué. La terre est à eux.
Mais non dit Jésus. Heureux ceux qui pleurent. Non pas les aigris, les réfugiés du fatalisme, ceux qui répètent bêtement: "C'est la volonté de Dieu". (Comme si Dieu voulait qu'on pleure) . Mais heureux sont qui sont révoltés par la douleur de monde, ceux qui refusent d'admettre que l'homme est un paquet de souffrance, ceux qui hurlent dans leur souffrance imposée et crient comme celui-là sur le Golgotha, ceux qui gardent l'espérance au coeur de la souffrance.
Père Jean Debruynne (1925/2006)