Je suis partie pour vivre

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

"Je suis partie pour vivre" est un livre écrit par Irène Josianne Ngouhada, jeune Camerounaise, qui explique pourquoi elle a quitté son pays et témoigne des six ans qu'il lui a fallu pour aller de son village à Alger. Il est préfacé par Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran.

 

Voici un extrait de sa préface:

 

" (...) Ceux que l'on appelle "les migrants" sont vus par tous les autres qui ont la chance de ne pas l'être comme des statistiques, un risque économique, politique ou religieux... Au mieux un objet d'apitoiement quand ils ont le mauvais goût de perdre leur vie en mer par centaines d'un coup. A Oran, ils sont des hommes et des femmes avec qui l'on prie, et parfois - pour un temps - l'on vit. Ils ont des visages, des histoires, des espérances et des souffrances. Nous savons aussi par quel gâchis humain ils payent leur rêve d'une vie meilleure. Trop souvent en pure perte. Rencontrer des personnes et non plus des "migrants" change le regard. Je dois confesser que ce changement n'a pas été immédiat pour moi. Il s'est fait par étapes, et que je ne suis pas certain qu'il soit même tout à fait achevé. La compassion à l'égard de ces personnes encore définies par leur statut particulier est sans doute la première de ces étapes. Nous avons alors l'impression d'avoir fait un pas de géant, et pourtant le compte n'y est pas encore: ces personnes restent différentes  à  nos yeux parce que migrantes. Et, disons-le, malgré nos bons sentiments, elles nous apparaissent légèrement inférieures... et elles le sentent. Elles doivent être "aidées" par nous qui les "aidons". Même si nous le faisons de tout notre coeur, nous en restons au stade du "fraternalisme", pas encore de la fraternité. L'étape suivante est celle de la relation qui fait - autant que possible - fi de leur état de migrant, un peu comme lorsqu'on parvient à se faire proche d'une personne malade au-delà du filtre de sa maladie. Le passage à cette nouvelle étape ne  peut se faire sans une prise de conscience plus ou moins explicite et en tout cas fondatrice: cette personne migrante, ce pourrait être moi! Jusque-là, la personne migrante appartient à un autre monde qui n'est pas le mien et tous les bons sentiments du monde ne nous font pas frères et soeurs d'une commune humanité. Je crois aussi que ce passage n'est permis que par une forme d'admiration en général, ou à l'égard d'une personne en particulier. A ce moment seulement, un équilibre s'établit, qui permet une relation de réelle altérité, ouvrant la porte à l'amitié. Josianne est l'une des personnes en migration qui ont forcé mon admiration et m'ont permis cette conversion du regard. Comme moi, elle avait fait  des études de droit, jusqu'à obtenir une maîtrise. Ce diplôme, qui m'avait ouvert, à moi, tous les possibles, l'avait jetée, elle, sur les routes hasardeuses de la migration. (...) " 

 

La suite dans le livre "Je suis partie pour vivre" de Irène Josianne Ngouhada aux éditions Tallandier. ISBN 979-10-210-3779-3

Je viens d'un monde qui n'en finit pas de finir

Rédigé par yalla castel - - 4 commentaires
Le monde que nous avons connu était celui des accords de Yalta. C’est fini. Un nouvel ordre mondial se prépare dont personnellement j’ai du mal à percevoir ce qu’il sera.

L’informatique et le téléphone portable bouleversent l’ordre établi comme la machine à vapeur en son temps, comme l’imprimerie en son temps.

Je viens d’un monde où, à chaque passage à niveau,il y avait un ou une garde barrière logé(e) dans une maison pourvue d’un petit jardin potager, d’un clapier et d’un poulailler. C’est fini. Aujourd’hui les barrières sont automatiques.

Je viens d’un monde où les hommes se groupaient en équipes pour abattre des pins au passe-partout. Quelques hommes équipés de tronçonneuses les ont remplacés. Aujourd’hui quelques tracteurs équipés de bras de coupe remplacent 50 hommes équipés de tronçonneuses.

Les chantiers publics de notre enfance grouillaient d’une importante main d’oeuvre. Tout ou presque tout se faisait à la force des bras. Aujourd’hui les pelles mécaniques et les tracto-pelles ont remplacé les équipes de terrassiers à la main, à la pioche, à la pelle.

Je viens d’un monde pas si lointain que ça où, dans les stations services, des employés nous servaient. Aujourd’hui les pompes automatiques sont ouvertes 7 jours sur 7 jour et nuit.

Dans les banques des employés nous donnaient de l’argent. Aujourd’hui il y a des distributeurs de billets partout et à toute heure.

Dans les grandes surfaces les caisses automatiques ont fait leur apparition.

Tout ce progrès de l’informatique et de la robotique et de la mécanisation crée des emplois. Mais est-ce qu’il en crée plus qu’il n’en supprime?

Je nous vois mal revenir en arrière. Donc qu’allons -nous faire désormais de celles et ceux qui n’auront pas de travail?
 
Je viens d'un monde qui n'en finit pas de finir et je distingue mal celui qui vient.
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