La fatigue, quel bonheur!
Rédigé par yalla castel - - 1 commentaireFabrice Hadjadj a écrit:
"Et la fatigue, si c’est pas une chose ingénieuse, la fatigue, que même les meilleurs constructeurs de robots ne songeront jamais à la fabriquer… Imaginez une seule seconde que nous n’ayons pas cet accablement, le soir, l’après-midi, après un gros repas, après un vain effort, cette lassitude qui nous cotonne les jambes et nous désarme le bras et nous pompe la cervelle. Imaginez-nous sans le quotidien retour de claquage dans tous les membres, comment qu’on trouverait le repos ? Sans l’énergie de la fatigue pour nous jeter dans n’importe quel plumard, sans le ressort du matelas pour recueillir la fin de notre ressort…
Car voilà soudain qu’on sait exactement ce qu’on veut, et ce ne sont plus les honneurs, les palaces, toutes ces carrières fuyantes et incertaines, non, c’est un lit, qu’on veut, notre plus cher désir est dans de beaux draps pour oublier qu’on est dans de beaux draps, pour que notre vanité tombe dans les vapes, pour que nos rêves fassent de beaux rêves … Heureux le blaireau qui hiberne tout l’hiver !
…
Dans la force de l’épuisement, le corps n’a plus peur de se livrer à la terre, l’âme n’a plus peur de se perdre dans l’inconscience, l’homme tout entier va jusqu’à oser dire au présent : « Ch’ui mort ! » pas au futur, non, au présent de l’indicatif, sans que ça lui file les jetons : « Ch’ui mort ! » et même : « Ch’ui crevé ! » "