Ils ont des yeux et ...

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

Il y a ce que je vois,

Il y a ce que je ne vois pas.

 

Et même si je crois tout voir

je ne vois que très peu.

 

Je ne vois que par la lumière

selon la lumière,

 

par mes yeux,

selon mes yeux

et selon l'état de mon corps.

 

Il y a ce que je crois voir qui n'est pas ce qui est :

seulement la projection de ma culture, de ma famille;

de mon appartenance à une classe sociale,

selon les mots que je connais,

selon ce que j'ai déjà vu,

selon ce que je veux voir et ce que je ne veux pas voir.

 

Gare à l'invasion d'images du temps présent qui remplit nos yeux et nos inconscients sans répit !!!

 

Comment pourrions-nous juger du présent et encore mieux de l'avenir si nous ne voyons que si peu ?

 

Ne pas juger les autres,

Ne pas se juger soi-même,

Quelle chance !

Quelle libération !

 

Et ainsi il nous reste du temps pour rire, chanter, écouter les autres et prier Dieu.

Classé dans : poésie - Mots clés : aucun

Soif (2)

Rédigé par yalla castel - - 6 commentaires

"Mon père, qui ne m'exauce jamais, a des manières étranges de me manifester, comment dire, non pas sa solidarité, encore moins sa compassion, je ne vois pas d'autre mot en l'occurrence que celui-ci: son existence. Les Romains  commencent à comprendre que je n'arriverai pas vivant au Golgotha. Ce serait pour eux un échec cuisant: à quoi bon crucifier un mort? Alors ils vont chercher un type qui revient des champs, un fier-à-bras qui se trouve être un passant.

- Tu es réquisitionné. Aide ce condamné à porter sa charge.

Même s'il a reçu un ordre, cet  homme est un miracle. Il ne se pose aucune question, il voit un inconnu qui titube sous un poids trop lourd pour lui, il ne fait ni une ni deux, il m'aide.

Il m'aide!

Cela ne m'est jamais arrivé de ma vie. Je ne savais pas comment c'était. Quelqu'un m'aide. Peu importe ce qui le motive.

Je pourrais en pleurer. Parmi l'espèce abjecte qui se moque de moi et pour laquelle je me sacrifie il y a cet homme qui n'est pas venu se régaler du spectacle et qui, cela se sent, m'aide de tout son coeur.

S'il avait déboulé dans la rue par hasard et s'il m'avait vu tituber sous la croix, il aurait eu, je pense, la même réaction: sans réfléchir une seconde, il aurait couru me secourir. Il y a des gens comme ça. Ils ignorent leur propre rareté. Si on demandait à Simon de Cyrène pourquoi il se conduit de cette manière, il ne comprendrait pas la question: il ne sait pas qu'on peut agir autrement.

Mon père a créé une drôle d'espèce: soit des salauds qui ont des opinions, soit des âmes généreuses qui ne pensent pas. En l'état où je suis, je découvre que j'ai un ami en la personne de Simon: j'ai toujours aimé les costauds. Ce ne sont jamais eux qui posent problème. J'ai l'impression que ma croix ne pèse plus rien.

- Laisse-moi porter ma part, lui dis-je.

- Honnêtement, c'est plus facile si tu me laisses faire, répond-il.

Moi, je veux bien. Les Romains, ça ne leur va pas. Simon, brave type, essaie de leur expliquer son point de vue:

- C'est pas lourd, cette croix. Le condamné me gêne plus qu'autre chose.

- Le condamné doit porter sa charge, gueule un  soldat.

- Je comprends pas. Vous voulez que je l'aide, oui ou non?

- Tu nous emmerdes. Tire-toi!

Penaud, Simon me regarde comme s'il avait gaffé. Je lui souris. C'était trop beau pour être vrai.

- Merci, lui dis-je.

- Merci à toi, dit-il bizarrement.

Il a l'air tout chose.

Je n'ai pas le temps de le saleur davantage. Il faut que je continue d'avancer en traînant ce poids mort. Je constate ceci qui est imprévisible: la croix pèse moins lourd. Elle reste effroyable, mais l'épisode de Simon a changé la donne. C'est comme si mon ami avait emporté avec lui la part la plus inhumaine de ma charge.

Ce miracle, car c'est est un, ne me doit rien. Trouvez-moi un magie plus extraordinaire dans les Ecritures. Vous chercherez en vain."

Amélie Nothomb  dans "Soif" pages 74/75/76/77.

 

 

 

 

Soif (1)

Rédigé par yalla castel - - 2 commentaires

"Tout le plaisir des jours est en leurs matinées."

Amélie Nothomb dans son dernier livre "Soif" page 63

Mais aussi en leurs fins de journées au bord d'une rivière...

Serge Halimi (3)

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique.

Il est devenu habituel d'imputer à Lénine et à Staline les millions de victimes des réquisitions agricoles des années 1920 et 1930. On rappelle moins souvent que le furent le libre-échange et le marché, pas la collectivisation des terres, qui provoquèrent le décès d'un million et demin d'Irlandais entre 1846 et 1849. Sait-on aussi que Churchill porte une lourde responsabilité dans la mort de 3 milions de Bengalis en 1943, à qui il avait reproché de "se multiplier comme des lapins" ? Il préféra en effet envoyer les réserves alimentaires vers les troupes britaniques, déjà largement pourvues, plutôt que vers les populations faméliques. La faminequi décima ces "indigènes" ne le troubla pas: le gouverneur britanique avait assuré Londres qu'elle "ne représentait pas une menace sérieuse pour la paix puisque ses victimes sont entièrement passives" .  L'oubli progressif de ces faits permet de mesurer qui a gagné la bataille des idées.

En décembre 2005, excédés par d'incessantes interventions politiques et judiciaires  dans l'appréciation des événements du passé, y compris sous forme de "lois mémorielles" , plusieurs grands historiens, au nombre desquels Pierre Vidal-Naquet, ont rappelé quelques principes essentiels: "L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L'Histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique. L'Histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui."  De tels principes définissent l'ambition de cet ouvrage ( Manuel d'Histoire critique, numéro spécial hors série du Monde diplomatique).Par les temps qui courent, ils donent toute la mesure du sa liberté.

Serge Halimi dans "Manuel d'Histoire critique", numéro hors série du "Monde diplomatique".

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