De la décadence d'hier et d'aujourd'hui

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Jérôme Ferrari a obtenu le prix Goncourt 2012 pour son livre "Le sermon sur la chute de Rome". A travers l'histoire d'un bar dans un petit village de Corse et de ses différents gérants et clients, il nous raconte l'évolution de la Corse de 1914 à aujourd'hui.

La lecture de ce livre est à déconseiller aux âmes sensibles car il est plein de bruit, de fureur et de folie. Il est rempli d'inhumanité abjecte mais terriblement humaine quand l'homme croyant faire l'ange fait la bête. Certains personnages du livre font penser à des personnages de Dostoïevski. Et plus particulièrement à celui qui affirme que "Si Dieu n'existe pas alors tout est permis".

Au fil des pages l'île de Beauté n'est pas si belle et paradisiaque qu'elle le paraît. Et nous devinons très vite que l'histoire va mal se terminer.

Voici un extrait des dernières pages du livre:

"Nous, chrétiens, nous croyons à l'éternité des choses éternelles auxquelles nous appartenons. Dieu ne nous a promis que la mort et la résurrection. Les fondations de nos villes ne s'enfoncent pas dans la terre mais dans le coeur de l'Apôtre que le Seigneur a élu pour bâtir son Eglise car Dieu n'érige pas pour nous des citadelles de pierre, de chair et de marbre. Il érige hors du monde la citadelle de l'Esprit-Saint, une citadelle d'amour qui ne s'écroulera jamais et se dressera toujours dans sa gloire quand le siècle aura été réduit en cendres. Rome a été prise et vos coeurs en sont scandalisés. Mais je vous le demande à vous qui m'êtes chers, désespérer de Dieu qui vous a promis le salut de Sa grâce, n'est-ce pas là le vrai scandale? Tu pleures parce que Rome a été livrée aux flammes? Dieu a-t-il jamais promis que le monde serait éternel? Les murs de Carthage sont tombés, le feu de Baal s'est éteint, et les guerriers de Massinissa qui ont abattu les remparts de Cirta ont disparu à leur tour, comme s'écoule le sable. Cela tu le savais, mais tu croyais que Rome ne tomberait pas. Rome n'a-t-elle pas été bâtie par des hommes comme toi? Depuis quand crois-tu que les hommes ont le pouvoir de bâtir des choses éternelles? L'homme bâtit sur du sable."

Saint Augustin, en l'an 410, dans "Le sermon sur la chute de Rome".

Cité dans le livre de Jérôme Ferrari publié chez Actes Sud, page 198.

 

Ouvrir l'avenir

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Ouvrir l’avenir pour d’autres, modestement, mais résolument, y compris si les fruits seront savourés par d’autres que nous:

« Dietrich Bonhoeffer, prisonnier des nazis, écrivit en 1944 à son meilleur ami que l’espérance, c’était faire comme le prophète Jérémie avait fait autrefois : alors qu’il était prisonnier, exilé et probablement condamné à ne pas revoir sa terre, il avait acheté un champ en terre promise afin que d’autres, plus tard, puissent y habiter. « Ainsi parle le Seigneur de l’Univers, le Dieu d’Israël : prends ces documents, cet acte d’acquisition, la partie scellée et la partie ouverte, et dépose-les dans un vase en terre cuite, pour qu’ils se conservent longtemps ; car ainsi parle le Seigneur de l’Univers, le Dieu d’Israël : dans ce pays, on achètera encore des maisons, des champs et des vignes » (Jérémie 32, 14-15).

L’espérance chrétienne a sans doute finalement quelque chose à voir avec les béatitudes. Ceux qui ouvrent l’avenir pour d’autres ont parfois les larmes aux yeux, ils ont lutté pour la justice, ils ont œuvré autour d’eux et parfois en eux-mêmes pour que la paix règne en leur compagnie, ils ont le cœur pur, ils sont humbles, ils ignorent peut-être même qu’ils sont une force pour d’autres. Voilà le chemin qui est devant nous : ouvrir l’avenir pour d’autres, modestement, mais résolument, y compris si les fruits seront savourés par d’autres que nous. »

Source: https://www.facebook.com/groups/KolKoz/permalink/693655591557652

Les premiers jours de novembre

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Chronique de Geneviève Jurgensen*

 

Ceux d'entre nous qui ont reçu une vraie éducation catholique, ou qui se la sont donnée, se repèrent facilement dans les deux premiers jours de novembre. Ils savent à qui l'un puis l'autre sont dédiés, ils en connaissent la vocation spécifique. Pour les autres, ces deux jours sont plutôt un, le premier, marqué par des réunions familiales - pas toujours facilitées par les vacances scolaires qui éloignent les enfants -, et les sorties au cimetière.

Les cimetières ne sont jamais si beaux que ces jours-là. Dans le courant de l'année, quand une tombe resplendit, croule sous les couronnes, les coussins, les gerbes, elle signale la venue d'un nouveau, d'une nouvelle. Aux fleurs choisies, aux banderoles qui ondulent encore sur le papier transparent, il n'est pas difficile de deviner qui est venu se joindre aux éternels. Un homme ou une femme, trop jeune ou pas bien jeune, laissant ou pas des conjoints, des parents, des enfants, des petits-enfants, des collègues, des camarades d'association, de sport, parfois de guerre ...

Mais le 1er novembre, jour férié qui facilite les rendez-vous autour des tombes familiales, c'est le cimetière entier qui resplendit, et dans l'éblouissement des chrysanthèmes, tous les morts appartiennent à la même vaste demeure, aux mêmes unités de mesure. Morts d'hier ou morts de jadis, ils sont là où toute vie nous conduit.

Leur compagnie nous fait du bien, elle nous élève. Le temps de ce rendez-vous largement partagé, plus rien du tintamarre terrestre ne nous casse les oreilles. Les voix s'ajustent au silence des lieux, même si, ce jour-là, il y a foule dans les allées. Le bruit des pas sur le gravier, de l'eau dans les arrosoirs, des enfants qui trottinent et de la terre cuite des pots déposés contre la pierre n'est pas du bruit, du moins pas davantage que le froissement des feuilles quand le vent se lève ou la chanson d'une mère qui berce son enfant.

Les morts ce jour-là guident nos pas et nos pensées. Ce sont eux qui s'occupent de nous, en fait. À l'approche des deux premiers jours de novembre, parfois je me dis « vivement qu'on y soit ». Je sais que je peux au cimetière compter sur le tendre et exigeant voisinage des défunts pour renvoyer à une sorte d'insignifiance tout ce qui m'occupe les autres jours, même ce qui donne son sens à ma vie. Près des tombes, le monde peut attendre. L'administration, les courses, le ménage, le courrier, les billets de train, bien sûr. Et la lecture du journal, la lecture tout court, l'écriture, les amis, la famille, même les enfants. Le Jour des morts, ou disons le jour du cimetière, plus rien ne presse. Ça ne veut pas dire que plus rien ne compte, ou alors la vie n'aurait plus de sens ! Ça veut dire qu'on se souvient, ce jour-là, qu'on sait, ce jour-là, que notre vie est éternelle. Que l'amour est éternel. Que ceux qui avec douceur nous appellent devant cette tombe dans laquelle nous les avons déposés, ne nous quitteront plus.

C'est plus facile à dire, plus facile à vivre, quand nombreux sont ces premiers jours de novembre qui nous ont déjà amenés auprès d'eux. Même si la surprise reste vive, après dix ans, vingt ans, un demi-siècle. Nous regardons les noms, les dates. Parfois, il y a si peu d'années - de mois ! de jours, même ! - entre celle de la naissance et celle du départ que les chiffres nous serrent le cœur. Comment est-ce possible, comment avons-nous continué de vivre après nous être pour la première fois éloignés de ce cimetière auquel nous avions, abrutis de douleur, confié ceux qui étaient nés pour nous enterrer, nous ?

Mais, quand c'était il y a longtemps, nous cohabitons avec ces mystères, nous acceptons qu'ils soient trop grands pour nous. Quand c'était hier, en revanche, quand la pierre est fraîchement gravée, quand quelque chose en nous demande ce qu'on fait là, soi-disant près de celui qui était près de nous partout ailleurs, tout le temps ... Le jour, le moment qu'en ces premières heures de novembre nous voulons et pouvons organiser autour d'une visite au cimetière est pourtant un moment précieux. C'est une fête de famille élargie aux absents, qui en sont la puissance invitante et qui savent pouvoir compter sur nous. Au cimetière, nous sommes avec eux, nous savons qu'ils nous aiment et, si seulement on pouvait, on les embrasserait.

 

* Chroniqueuse à La Croix, G. Jurgensen a perdu deux fillettes, fauchées par un chauffard


 


 

Toussaint 2020

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Parfois les absents sont là

Plus intensément là

 

Mêlant au dire humain

 

Au rire humain

 

Ce fond de gravité

 

Que seuls

 

Ils sauront conserver

 

Que seuls

 

Ils sauront dissiper

 

Trop intensément là

 

Ils gardent silence encore.

 

François Cheng

 

Ce n'était pas un grand bavard

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Pour ceux qui connaissaient bien Papa, ce n’était pas un grand bavard mais si vous le lanciez sur un sujet qui l’intéressait, vous auriez vite compris combien il pouvait en parler et partager ses passions avec les autres.

Il était comme cela, de nature réservée, discrète mais aussi généreux sur le partage de ce qui le passionnait.


Sa passion, c’était de voler et elle a commencé tout petit déjà, quand il a voulu sauter en parachute depuis le toit de la maison de papi et mamie. Sauf que son parachute c’était un parapluie. Mais heureusement, on l’en a dissuadé avant d’essayer.


Oui, voler, c’était sa passion, le pic d’adrénaline de s’élever vers les nuages... une dernière fois.

Si il y a bien une chose que j’aurai appris de cet accident, c’est à quel point la vie est courte. Tout peut s’arrêter en un instant. Chaque jour, il faut profiter de la vie comme si c’était le dernier. Parce qu’on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Et ne jamais rien regretter.

On remet souvent à plus tard, nos projets, à plus tard, les discussions avec nos amis, notre famille, à plus tard, nos envies... jusqu’à qu’il soit trop tard...

Alors bien sûr, on ne peut pas vivre continuellement avec la peur de l’accident, du dernier battement de cœur mais plutôt que de compter les jours, faire en sorte que chaque jour compte.

Profitez de la vie tant qu’il y en a et partagez-la avec les êtres qui vous sont proches car comme disait Albert Schweitzer « Le bonheur est la seule chose qui se double si on le partage »

Benoit Labadie

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