Syrie: de la vie au chaos.

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La Syrie est un pays marqué par l’histoire. Depuis plusieurs décennies, elle connait de multiples tensions à l’origine d’une forte instabilité. Si aujourd’hui le mot Syrie rime pour la plupart d'entre nous avec guerre, autrefois elle incarnait l’image d’une paix et d’un bonheur certain.

Afin d’en savoir un peu plus, nous avons rencontré Ghada Lacombe. Une française d’origine syrienne ayant quitté son pays il y a environ 35 ans. Elle évoque avec nous ses souvenirs.

Ghada est arrivée en France dans les années 80. Son père étant directeur de l’aviation civile, elle est une habituée du voyage et connait déjà le pays lorsqu’elle y dépose ses bagages.

Boursière, elle est acceptée à la Sorbonne où elle y étudie l’épigraphie. (1)

« Un équilibre un peu précaire, mais il a su répartir les fonctions »

En 1981, Ghada quitte la Syrie. Elle nous parle d’un pays laïque pourvu de multiple liberté : « Les femmes sortaient, allaient au cinéma, conduisaient, faisaient la fête et tout ce qui leur semblait bon de faire ». A cette époque-là, le père Assad était au pouvoir : Hafez Hassad.

Président socialiste, il tente de maintenir une situation stable dans le pays : « Un équilibre un peu précaire mais il a su répartir les fonctions ». Plusieurs religions coexistaient de façon simple. Ensemble, elles se sont organisées afin mettre à profit chacun de leur savoir, de leur compétence. Les fonctions de l’Etat étaient bien réparties entre les chrétiens d’orient, les sunnites, les juifs.

« Chacun avait un rôle dans une société en parfaite harmonie. Il n’y avait jamais d’inégalités ».

« On ne peut pas prendre la démocratie française et l’imposer à la Syrie : c’est impossible »

En 2000, Hafez El-Assad décède. Bachar El-Assad reprend ses fonctions à la place de son frère aîné Bassel El-Assad décédé dans un accident de voiture le 21 janvier 1994. Bachar tente de maintenir le régime mis en place par son père mais ne parvient pas à épargner la liberté. Progressivement, « un malaise » se fait ressentir, notamment traduit par de nombreux actes de sabotage. Nous sommes en 2008 et pendant les années suivantes des conflits seront étouffés pour ne pas perturber l’ordre déjà fragile.

Le contexte est compliqué. L’Irak, le Liban et l’Israël sont en conflit et le pays est fragilisé. Alors, une grosse partie du budget de la Syrie est utilisé pour l’armement et la défense, donc le reste uniquement pour le développement : la précarité s’installe.

Ghada insiste sur le cheminement nécessaire à la constitution de la démocratie : « On ne peut pas prendre la démocratie française et l’imposer à la Syrie : c’est impossible ». Aujourd’hui, l’époque que connait l’Islam est équivalente à celle des croisades en France, au XV eme siècle. Les guerres de religion sont propres à chaque pays, elles ne sont donc jamais similaires.

« Progressivement, les multiples dérives ont affaibli le pays »

« Plus tu divises, plus tu règnes ». Petit à petit ce mot d’ordre, cette devise s’installe dans tous les esprits. Le pays court à sa perte. De nombreuses puissances occidentales et orientales ont le pouvoir d’intervenir mais ne font rien. La Russie, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, tous profitent avant tout de la place stratégique de la Syrie. Manque d’intérêt, ils n’interfèrent pas dans « le malaise ».

Pays voisin, l’Iran ne tarde pas à laisser son empreinte sur le sol syrien : « la marque iranienne était présente. Par exemple, une grande bibliothèque a été construite à l’époque ».

Cependant, le réel conflit commence en 2011. Le peuple syrien doit faire face à des ennemis indéterminés : « on ne savait pas qui faisait quoi. Certains quartiers étaient interdits, des snippers étaient dissimulés, des voitures civiles étaient piégées avec des bombes ». De chaque côté, Le gouvernement se bat contre des groupes « anti-Bachar », des milices qui tentent de se faire entendre par des attaques terroristes et au milieu, le peuple : « la population était un bouclier soyez-en sûr ». Si beaucoup de soldats, de rebelles ont perdu la vie, le peuple est celui qui a payé le prix fort. En cinq ans 301 781 dont 86 692 civils parmi lesquels 15 099 enfants ont perdu la vie. Alors d’un côté comme de l’autre, les auteurs de ce massacre portent la responsabilité de la mort de centaines de milliers d’innocents.

« Aujourd’hui, c’est la détérioration de tous : les valeurs, la culture, le paysage. »

« Le malaise » s’est endurcit, il est de plus en plus fort, s’inscrit progressivement dans toutes les mœurs. Le nombre de femme voilée a considérablement augmenté. Cependant, pour la plupart, ce n’est pas la religion qui les pousse à agir ainsi, simplement la peur : « elles tentent de survivre à travers une appartenance à « un pseudo Islam » et ce afin de se préserver ». La Syrie est bien loin de ce qu’elle était. Les nombreuses tensions ont détruit tout ce qui la constituait : la laïcité, la liberté, la culture. La guerre a tout emporté.

Le paysage est en ruine, à l’image des valeurs et des mentalités. Les bombes ont détruit, démoli, brisé. La corruption a également frappé, laissant chaque construction à l’abandon pour l’enrichissement des plus indignes. A ce chaos, se mêle le paradoxe d’une religion ultra-présente, totalement salie, dépravée par un monde superficiel où se fondent l’argent, le mensonge et l’abus. Un monde où la plastique des femmes est devenue bien plus important que ce qu’elles sont, où la religion n’est qu’un prétexte pour assoir son pouvoir.

« En France ou en Syrie, nous étions libres de la même façon ».

C’est une intégration facile que Ghada a vécu en arrivant en France : « C’était la grande vie, les magasins, le cinéma. Tu vis et construis ta vie ». Lorsqu’elle arrive dans les années 80, la liberté en France n’est pas différente de celle qu’elle a toujours connue en Syrie :« En tant que femme nous avions exactement la même liberté, la même indépendance en Syrie. Nous pouvions sortir, conduire, allez au cinéma ». Elle découvre également une autre culture. Une culture notamment différente dans la conception du couple : « En France la perception de la famille et du couple sont importants. Les individus sont un peu plus possessifs l’un envers l’autre ». Mais c’est aussi dans une société sincère, bienveillante et multiculturelle que Ghada a su s’épanouir : « Les gens sont ouverts, vrais et accueillants; un peu râleurs aussi ahahah». Elle ajoute qu’elle n’a jamais connue de discrimination : « Je me suis sentie à ma place en France. Je me suis construit ma vie ».

Aujourd’hui, Ghada vit de sa passion : la danse orientale. Un art très connoté et malmené en Syrie que la France lui a donné la liberté d’exercer. Parallèlement à cela, elle accompagne les personnes en difficultés telles que les gens du voyage, les immigrés.

Elle est notamment chargée de les accompagner dans leur intégration socio-professionnelle.

Alice Gapail.

(1) L’épigraphie est l’étude des inscriptions réalisées sur des matières non putrescibles telles que la pierre , l’argile ou le métal.

 

Il y a tout juste 110 ans...

Rédigé par yalla castel - - 23 commentaires

... voici ce qu'écrivait Charles de Foucauld:

"Notre Algérie, on n'y fait pour ainsi dire rien pour les indigènes. Les civils ne cherchent la plupart qu'à augmenter les besoins des indigènes pour tirer d'eux plus de profit, ils cherchent leur intérêt personnel uniquement; les militaires administrent les indigènes en les laissant dans leur voie, sans chercher sérieusement à leur faire faire des progrès. De sorte que nous avons là près de trois millions de musulmans depuis plus de soixante-dix ans pour le progrès moral desquels on ne fait pour ainsi dire rien, desquels le million d'Européens habitant l'Algérie vit absolument séparé, sans les pénétrer en rien, très ignorant de tout ce qui les concerne, sans aucun contact intime avec eux, les regardant toujours comme des étrangers et la plupart du temps comme des ennemis. Les devoirs d'un peuple qui a des colonies ne sont pas de ceux-là, et cette fraternité, que personne ne nie, trace des devoirs bien différents. Croyez là-dessus votre enfant qui est devenu presqu'un vieillard, qui vit au milieu de misères infinies pour lesquelles on ne fait rien et on ne veut rien faire; pouvant et devant faire tant de bien, on aggrave au contraire l'état moral et intellectuel si lamentable de ces peuples en ne voyant en eux qu'un moyen de gain matériel. Ce que voient les indigènes de nous, chrétiens, professant une religion d'amour, ce qu'ils voient des Français incroyants criant sur les toits fraternité, c'est négligence, ou ambition, ou cupidité, et chez presque tous, hélas, indifférence, aversion et dureté."

Charles Foucauld.

Du danger des mensonges.

Rédigé par yalla castel - - 1 commentaire

"Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut plus se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple vous pourrez faire alors ce qui vous plaït."

Hannah Arendt.

Hannah Arendt, née Johanna Arendt à Hanovre le 14 octobre 1906 et morte le 4 décembre 1975 à New York, est une politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine, connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme, la modernité et la philosophie de l'histoire.

"Nous voulons la paix": Le chaos d'Alep a son apogée.

Rédigé par yalla castel - - 1 commentaire

En 2006, Alep était considérée comme l'une des plus belles villes du monde : son souk, sa grande mosquée et ses hammams attiraient les touristes à foison, la cité regorgeant des richesses les plus somptueuses. Deuxième ville de Syrie, elle s'est vue attribuer par l'UNESCO en 1986 une place au patrimoine mondial de l'Humanité.

Mais aujourd’hui, Alep se meurt. Chaque jour depuis le début de la guerre en 2011, les bombardements réduisent à néant tout ce qu'ils peuvent atteindre. Alors que les grandes puissances internationales s'unissent au sein de coalitions dans le but de préserver la population de l’État Islamique, c'est elle qui paie le prix fort : un paradoxe d'une ampleur inimaginable qui d'après l'OSDH (l'Observatoire Syrien des Droits Humains) aurait fait plus de 290 000 morts, sans compter les victimes disparues à jamais sous les décombres d'une ville ruinée par la conflagration.

Actuellement la situation à Alep se détériore à une vitesse inouïe, le silence des puissances occidentales favorisant cette décadence et faisant d'elles les complices de ce chaos humanitaire.

La ville est désormais scindée en deux parties qui chaque jour connaissent l'une comme l’autre l'incessante déflagration des bombes. Alep Est étant ravagé par les bombardements russes, la majorité des civils tentent alors de fuir au Nord, dont les quartiers sont également tyrannisés par la guerre.

 

La situation actuelle à Alep Est :

 


 

Le régime de Bachar Al-Assad a repris presque toute la ville, il ne reste qu'un tout petit bastionrebelle en vert : ici vivent terrés environ 100 000 civils, considérés tels des boucliers humains par les forces de l'armée. Certains ont tenté de fuir et la plupart du temps au péril de leur vie. Des femmes et des enfants sont assassinés tous les jours, la faim et la fatigue traquent ceux qui décident de rester. C'est à la mort d'un peuple entier à laquelle nous assistons, à l'agonie de ces héros qui chaque jour se battent pour rester en vie.

Si le but était de lutter contre la tyrannie de l'islam extrémiste, le monde entier est pourtant devenu un terroriste cautionnant le meurtre de ces milliers d’innocents.

 

L'interview :

Omar Alolaiwy est un membre de l'association Syria Charity qui milite chaque jour pour le soutien de la population syrienne. Habitant à Alep Nord et secouriste, il nous parle de son quotidien.

-Pouvez-vous nous dire quelle est la situation actuelle à Alep ?

La situation à Alep est catastrophique et très alarmante. Les bombardements ne s'arrêtent jamais, l'aviation détruit tout même les hôpitaux et les ambulances. Chaque jour des centaines de morts, des petits enfants sous les décombres...

Comme vous le savez Alep est assiégée depuis des mois, rien n'y entre et les habitants meurent de faim. Il s'agit d'un vrai massacre.

-Dans quel état d'esprit êtes-vous ? Comment vous sentez-vous ?

Ce qui ce passe à Alep nous fatigue énormément, nous sommes devenus des morts vivants, on attend la mort à chaque seconde. Nous avons peur pour nos familles et nos enfants. Malheureusement, nous n'avons plus de force pour résister.

Je me sens dégoûté, je suis frustré et déprimé.

-Comment faites-vous pour résister et tenir bon ? Où trouvez-vous les ressources nécessaires ?

Notre croyance en Dieu nous permet de résister car lui seul pourra mettre fin à ce massacre et nous faire sortir de cet enfer.

En ce qui concerne les ressources nécessaires, la majorité des produits alimentaires n’existent plus, donc ce qu'on trouve on le mange. Ça peut être du riz ou des épinards... Même le pain est devenu extrêmement rare.

-Comment s'organise votre quotidien ?

Comme étant membre de l'ONG Syria Charity, on se lève tôt le matin, directement on prend les ambulances et on se dirige vers les zones bombardées pour sauver des vies, notre tâche consiste à transporter les blessés et les morts vers l’Hôpital.

Vu que les bombardements ne cessent jamais, il nous arrive de ne pas dormir et de ne jamais pouvoir nous reposer.

-Que voudriez-vous maintenant ?

Nous voulons qu'Alep ne soit plus assiégée, au moins nous aurions la possibilité de faire entrer des éléments essentiels et surtout des produits alimentaires : des fruits, des légumes, du pain …

Mais en réalité cela n'est pas une solution définitive, tant que la guerre existe encore la mort sera notre destin. Nous voulons la paix.

-Que pouvons-nous faire à notre échelle pour vous aider?

Nous avons plus que jamais besoin de votre aide, de votre soutien afin que notre voix atteigne le monde entier, en espérant que cela puisse éveiller les consciences.

Il faut que tout le monde et surtout les médias se mobilisent pour nous et défendent la cause syrienne.

-Que voulez-vous dire au monde entier ?

Nous voulons vivre en paix ! Est-ce trop demander?

Aider les civils d'Alep :

La lucidité concernant ce génocide constitue déjà une preuve de réflexion à l'égard de ces populations meurtries. Certains civils possédant encore l’accès aux réseaux sociaux reçoivent chaque jour des messages remplis d'affection et de compassion, ce qui témoigne d'une prise de conscience progressive. Notre force est celle-ci : tant que l'on fait preuve d'humanité envers autrui, alors l'espoir sera.

Cependant chaque jour des femmes et des enfants sont gravement blessés, et dans ces cas-là aucun de ces messages de paix n'est assez puissant pour les aider. L'association Syria Charity sur place tente malgré l’absence de moyen de secourir les populations. Les hôpitaux ont été bombardés, il n'y a plus de médicaments, les civils grièvement blessés sont soignés dans des conditions totalement insalubres. Le manque de médecin, eux aussi visée par l'armée d'Assad, se fait également ressentir : certains succombants à leurs blessures à cause de la pénurie de personnel soignant.

Tant de contraintes qui s'accumulent et qui leur coûtent la vie.

Si vous vous sentez concerné(e)s, aidez-les vous aussi : faites un don sur : https://www.syriacharity.org/

Alice Gapail, stagiaire à CFM Radio à Casteljaloux.

 

 

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