Témoignage de Marie-Noëlle Salvat (2)

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Il nous faut beaucoup de patience, à l'un et à l'autre, ne pas avoir peur des chocs provoqués par les demandes ou par les silences d'un homme qui traverse l'obscurité.

Très vite, dans nos premiers échanges, Joseph m'avait dit: "Je suis un homme maintenant; celui que j'étais je ne savais plus qui j'étais." Plus tard: "Vous pouvez me demander n'importe quoi sur moi et je vous répondrai." Je lui ai dit: "Si vous le voulez, racontez-moi un moment que vous aimez de votre enfance." Il m'a répondu: "Je ne peux pas vous parler de mon enfance mais vous pouvez garder ces photos (c'était sur du papier photo très ancien) si elles vous plaisent, ou me les renvoyer." Il a noté au dos: "Ma mère, très courageuse, voyez comme elle est belle avec son tablier de serveuse pour gagner sa vie et celle de sa famille. Là, c'est mon frère aîné qui l'a aidée quand mon père l'a laissée." Autre photo: "Là, c'est mon jeune frère et le vilain petit canard -moi- à la fête foraine." (A dix ou douze ans) "Et là c'est encore le vilain petit canard avec ma petite et mignonne nièce ( trois ans) sur les genoux." (Il est ado)

Cette patience qui conduit à une confiance inconditionnelle nous l'avons ou plutôt nous la cultivons au rythme parfois irréguliers de nos courriers, très denses, fluctuant à cause des évènement de part et d'autre, variant de quinze jours à un mois maximum.

Au fil des mois, nous échangeons ce qu'il est possible d'écrire de nos vies, de notre regard sur l'état du monde; ma vie ordinaire avec ses failles et ses joies, sa vie dans des conditions inhumaines. Isolement dans une cellule très étroite où il réussissait pour ne pas devenir fou à organiser ses journées. Sorties toutes les 48h pour deux heures de "promenades" dans une grande cage à ciel ouvert avec les autres prisonniers. Parfois longues semaines de "lock down" . Enfermement total pendant des périodes variables, un mois quelquefois, totalement arbitraire. Privation d'eau chaude. Et j'en passe! Bruit parfois insupportable d'autres prisonniers qui perdent la tête. Rumeurs d'exécution. Obligation de jeter le courrier reçu. Par peur du feu. Il ne peut conserver qu'un minimum de lettres, photos, cartes postales.

Il m'avait écrit dès le début: "Soyez mes yeux et mes oreilles." Ce que je me suis efforcée de faire. Il insistait aussi sur la réciprocité de la correspondance. Et nous étions bien d'accord. C'est ainsi que nous avons poursuivi nos échanges écrits.

Témoignage de Marie-Noëlle Salvat (1)

Rédigé par yalla castel - - 68 commentaires

Je n'ai pas pu assister au Conseil Paroissial où mes amies du groupe ACAT (1) m'avaient demandé d'apporter un témoignage. Le voici par écrit, trop long mais totalement insuffisant. Il concerne ma correspondance avec Joseph-François Jean, prisonnier dans le couloir de la mort (2) au Texas.

Période de l'Avent 2015, au fond de l'Eglise de Casteljaloux, une petite affiche rouge de l'ACAT: "Voulez-vous correspondre avec un prisonnier du "Couloir de la mort" aux Etats-Unis?"

J'emportai le papier. Je fis ma demande le jour même. C'était le début d'un chemin d'ombre et de lumière. La lumière de Noël dominant tout pour construire une relation humaine et spirituelle. L'Esprit Saint nous devance toujours comme dit Guy Gilbert. Notre rencontre a été marquée de signes étonnants. Je ne les dirai pas ici. Cela prendrait trop de place. Mais je suis prête à en témoigner si quelqu'un s'intéresse à ces petits cailloux blancs qui indiquent le chemin.

Joseph, 44 ans, dans le couloir de la mort depuis quatre ans, était à ce moment-là seul, démuni, abandonné de tous, projeté en enfer. Il reçoit ma lettre la veille de Noël. Il est vivement impressionné de la recevoir. Suite à sa demande à l'ACAT, beaucoup plus vite qu'il ne l'espérait. Il associe l'arrivée de ce courrier la veille de Noël à mon prénom. Il ne me dit pas encore qu'il prie. Il me le dira des mois plus tard. Ce qui l'impressionne, ce n'est pas ma carte mais ma photo qui tombe de l'enveloppepar terre, et qui lui sourit. "C'est mon cadeau de Noël?" m'interrogera-t-il dans sa réponse à mon envoi.

La correspondance qui s'en suivra naîtra de cet émerveillement et du cri à la fin de sa première lettre: "Je ne veux pas mourir tout seul!" En même temps elle se nourrit de la Croix qui est plantée dans mon coeur, de la présence de Jésus, de ma foi en la résurrection; dès maintenant, quand les âmes se rencontrent et veulent s'ouvrir à la lumière.

A suivre...

Soigner les corps et les âmes

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« Aux Captifs la libération » est une association humanitaire au service des personnes de la rue et des personnes en situation de prostitution. Créée en 1981 par le Père Patrick Giros, prêtre du diocèse de Paris, et agréée par les pouvoirs publics, cette association est implantée à Paris. Elle vient en aide aux personnes exclues vivant de la rue et dans la rue : personnes sans domicile fixe, personnes en situation de prostitution, migrants, jeunes en errance, victimes de la drogue ou de l’alcool. Patrick Giros est né en 1939. Il a été ordonné prêtre en 1968. Il est décédé en 2002.

 

Jean-Guilhem Xerri et Pierre-Olivier Boiton ont écrit un livre sur l’association « Aux Captifs la libération ».

 

En voici le titre et les références : « A la rencontre des personnes de la rue », aux éditions « Nouvelle Cité » collection « Vie des hommes ». (ISBN : 9782853 135269). Il est préfacé par le Cardinal Jean-Marie Lustiger.

 

En voici des extraits :

 

« « Aimez-vous les uns uns les autres comme je vous ai aimés… Aimez vos ennemis. » Ce livre témoigne de ce miracle qui jusqu’à présent se poursuit parmi toutes celles et tous ceux qui s’associent au travail de « Aux Captifs, la libération ».  » (pages 9/10)

 

« Patrick Giros était un prêtre du diocèse de Paris. C’est important pour comprendre l’ancrage paroissial et diocésain des « Captifs ». Il est donc d’abord prêtre, et prêtre d’une ville. Il relevait cette qualité, dans le sens où l’évangélisation autrefois , passait par les curés de campagnes, alors que maintenant l’essentiel de la vie étant urbaine, il lui paraissait impératif de développer une pastorale de la ville. Il considérait Paris comme une terre de mission. » (Pages 13 /14)

 

« D’abord, des réalités s’imposent aux yeux de Patrick Giros. Il fait connaissance avec ce qui étaient à l’époque la rue et les populations qu’il y rencontre : loubards, délinquants… et il est le témoin de leur évolution. Ensuite il acquiert une bonne expertise du travail social qui l’amène à reconsidérer ce dernier de façon profonde. A l’époque les loubards vivent en bandes. Patrick disait qu’il y avait là un phénomène de socialisation très important. Certes ils faisaient « pétarader leurs mobylettes », ils étaient paumés, mais ils étaient ensemble. Il y avait de véritables expériences amicales ou relationnelles. Ils entretenaient entre eux des liens structurants, qui contribuaient à lutter contre l’isolement et la solitude. Mais cette socialisation par la bande a été détruite avec l’arrivée de la drogue durant les années 1970. Elle a tout cassé, faisant éclater l’unité de groupe et apportant la mort avec elle. On peut vraiment identifier l’arrivée de la drogue comme le facteur cassant et désintégrateur en terme de socialisation. » (Pages 14/15)

 

« Patrick Giros dresse deux constats. D’une part « le travail social est à réinventer ». Du travail social idéologique, conceptualisé, politisé il faut passer à un projet pleinement centré sur la personne, et pas réduit à des déterminismes sociaux. D’autre part, à côté des injustices sociale, économique ou psychologique, il y a, beaucoup moins dénoncée, « l’injustice spirituelle ». Selon lui, la dimension de l’homme est complètement niée, en particulier dans l’approche sociale. Son expérience personnelle d’abord, et l’analyse qu’il fait des problèmes de toxicomanie (d’origine existentielle) ensuite, l’amènent à constater que tout le monde n’a pas la même « égalité de chances » pour accéder à cette dimension spirituelle. Selon lui c’est à l’Église de nourrir cette dimension. Selon son diagnostic, la rue crie et personne ne l’entend. » (Pages 18/19)

 

« La géopolitique des conflits mondiaux des années 1990-2000 se lit aussi sur les trottoirs : filles de l’Est après l’explosion du bloc soviétique ; Madédoniennes, Kosovares et Bosniaques au moment de la guerre en ex-Yougoslavie ; Africaines au gré des crises locales : Ivoiriennes, Cap-Verdiennes, Nigérianes… D’une prostitution dite « traditionnelle », on est passé à des formes d’exploitation – esclavage sexuel et traites des êtres humains- menées par des organisations mafieuses multiples et interconnectées. » (Page 27)

 

« Les personnes de la rue, ce sont tout simplement des personnes qui vivent de et dans la rue, même si la frontière entre les « exclus » et les « inclus » devient de plus en plus difficile à définir. (…) Le phénomène de l’urbanisation et des grandes villes génère de l’exclusion. Cette problématique se retrouve d’ailleurs dans toutes les villes du monde. (…) On identifie trois grands types de population : les personnes en précarité, les personnes en situation prostitutionnelle et les enfants des rues. La crise économique et la mondialisation ont fait voler en éclats la typologie des personnes de la rue. On constate une explosion démographique de ces populations et une diversification. Cette dernière rend l’accompagnement de plus en plus difficile par la multiplicité des problématiques auxquelles sont confrontées les associations : papiers, langue, logement, culture, travail, santé, origine ethnique, religieuse... » (Pages 30/31)

 

« L’injustice est un arbre mort encore solide mais sans avenir. »

Colibri Cx

De la justice restaurative.

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La première fois que j'ai lu ces deux mots ensemble "justice restaurative", je me suis demandé ce que cela pouvait bien dire d'autant plus que je bloquais sur le mot restaurant pardon restaurative. En fait il faut entendre justice réparatrice, restauratrice.

En voici une définition : "La Justice restaurative traite des conflits de nature à engendrer des répercussions graves (d’ordre personnel, familial et plus largement social) sur les personnes qui en sont les victimes ou les auteurs, leur entourage et les communautés auxquelles ils appartiennent. Elle a pour objectif d’offrir la possibilité à l’ensemble de ces personnes de prendre une part active dans la recherche et la mise en œuvre des solutions susceptibles de leur permettre de reprendre le cours de leur vie (restauration) le plus apaisé possible. Elle offre une authentique réponse de Justice, en complémentarité avec la Justice pénale." Trouvée sur le site suivant: http://www.justicerestaurative.org/fr/article/generalites-sur-la-justice-restaurative

La lecture de ce lien permet d'aller plus loin que cette brève présentation d'aujourd'hui et de comprendre de ce que pourrait être la justice de demain.

Le sommeil

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"On me dit qu'il y a des hommes qui ne dorment pas. "Je n'aime pas celui qui ne dort pas", dit Dieu. "Le sommeil est l'ami de l'homme. Le sommeil est l'ami de Dieu. Le sommeil est peut-être ma plus belle création. Et moi-même je me suis reposé le septième jour. Celui qui a le coeur pur dort. Et celui qui dort a le coeur pur. C'est le grand secret d'être infatigable comme un enfant. D'avoir comme un enfant cette force dans les jarrets. Ces jarrets neufs, ces âmes neuves. Et de recommencer tous les matins, toujours neuf, comme la jeune, comme la neuve Espérance."

"Or on me dit qu'il y a des hommes qui travaillent bien et qui dorment mal. Quel manque de confiance en moi. C'est presque plus grave que s'ils travaillaient mal mais dormaient bien."

"Comme l'enfant se couche innocent dans les bras de sa mère, ainsi ils ne se couchent pas innocents dans les bras de ma Providence. Ils ont le courage de travailler, ils n'ont pas le courage de ne rien faire. Les malheureux, ils ne savent pas ce qui est bon. Ils gouvernent très bien leurs affaires pendant le jour. Mais ils ne veulent pas m'en confier le gouvernement pendant la nuit. Comme si je n'étais pas capable d'en assumer le gouvernement pendant une nuit."

"Celui qui ne dort pas est infidèle à l'Espérance."

Charles Péguy, 1873/1914.

Extraits du "Porche du Mystère de la Deuxième Vertu".

 

 

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