Nous voici donc, pour beaucoup d'entre nous, de nouveau réunis. Aujourd'hui, il s'agit de rendre un dernier hommage à Danielle qui vient de nous quitter.
Je voudrais d'abord exprimer ici un sentiment très profond de sidération douloureuse. Comment comprendre, comment accepter les drames qu'a connu cette famille ? Il est possible de faire référence aux lois de la biologie et de lagénétique. On peut aussi faire appel aux règles mystérieuses des probabilités. Mais cela ne résoud évidemment pas totalement cette question apparemment simple mais en réalité vertigineuse : Pourquoi eux ?
Dans cette histoire en partie douloureuse, Danielle m'a toujours profondément impressionné par son calme. Je ne la connaissais pas suffisamment pour savoir comment elle a vécu intimement ces longues années. Mais je l'ai vu comme une force, présente dans le monde non dans la plainte mais davantage dans la joie et la vie.
Pour terminer, s'il nous faut penser aux morts, il faut aussi penser aux vivants. Je voudrais dire à Agnès qu'il est probable que nous n'avons pas une véritable idée de la souffrance qui est la tienne. Mais parce que nous t'aimons, nous serons le plus possible à tes côtés dans ce présent difficile et dans un futur plus lumineux.
« Lecture de la première lettre de Saint Paul aux Corinthiens »
Frères, parmi les dons de Dieu, vous cherchez à obtenir ce qu’il y a de meilleur.
Eh bien, je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres.
J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel,
si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour,
je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.
J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères
et toute la connaissance de Dieu,
et toute la foi jusqu’à transporter les montagnes,
s’il me manque l’amour, je ne suis rien.
J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés,
j’aurais beau me faire brûler vif,
s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.
L’amour prend patience ;
l’amour rend service;
l’amour ne jalouse pas; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil;
il ne fait rien de malhonnête;
il ne cherche pas son intérêt;
il ne s’emporte pas;
il n’entretient pas de rancune;
il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai;
il supporte tout, il fait confiance en tout,
il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais.
Nous sommes réunis ce matin pour accompagner Danielle LAFAGE de notre
amitié, de notre amour et de nos prières.
Danielle, née NAVAIL à MONTPOUILLAN en 1951, dans une famille d’agriculteurs,
a été entourée de sa soeur aînée Bernadette, sa soeur jumelle Roselyne puis de ses
deux frères Jean-Marie et Christophe.
A 19 ans, elle débute sa carrière d’institutrice à l’école Sainte-Marie de Casteljaloux
où elle rencontre Pierre-Olivier LAFAGE avec qui elle se marie en 1986.
De cette union naîtront deux filles: Claire-Marie et Agnès.
La vie de Danielle a été profondément marquée par son engagement dans la
communauté religieuse et sa Foi en Dieu mais aussi en la vie malgré les
douloureux départs de Claire-Marie et Pierre-Olivier.
Danielle, c’est d’abord parler de sa force face à la vie et aux tempêtes qu’elle a
surmontées.
Plutôt que de sombrer dans le chagrin, elle a sublimé sa peine en tendant la main à
ses amis, sa famille et tous ceux qui la rencontraient.
Sa vie ne se résume pas aux souffrances, au contraire.
Tous ceux qui entraient dans sa maison recevaient la chaleur de son accueil et de son écoute.
Lors de son mariage avec Pierre-Olivier, ils se sont promis de garder leur porte
ouverte à ceux qui en auraient besoin. Et c’est ce qu’ils ont fait.
Il y a donc eu des larmes mais aussi des rires, nombreux, des chants aussi, des
prières, de la bienveillance, du travail et du courage.
Avec Danielle, chaque moment difficile était susceptible de devenir bonheur, les
victoires n'étaient jamais impossibles, elle avait de la force pour elle et pour les autres.
Dans ce moment de recueillement nous accueillions Danielle dans la lumière et dans la
paix.
Pour célébrer sa nature positive, nous aimerions citer un grand poète, Paul Eluard:
«La nuit n’est jamais complète. Il y a toujours puisque je le dis, puisque je l’affirme,
au bout du chagrin, une fenêtre ouverte. »
"Le poète écrit: nous naissons comme le rocher, avec nos blessures. Y a-t-il d’autres chemins qui conduit alors à l’âge cassant? L’âge où, après avoir tenté de canaliser le tumulte de la vie brute, à grand renfort de systèmes et d’organisation – de dingues, en somme – , la part sauvage et anarchique de la vie reprend ses droits, et pousse d’autant plus fort que nous aurons cru la retenir avec autorité. Opposant à l’angoisse existentielle nos certitudes fanatiques, aux mouvements aléatoires nos fixations avides de contrôle, opposant aux balbutiements nos discours, aux danses des protocoles, à nos fièvres des remèdes, à nos pérégrinations la voix robotique des GPS, à notre vulnérabilité l’armée pathétique de toutes nos forces rassemblées. Nous cassons à la mesure même de notre rigidité, nous apprenons la fable du chêne et du roseau. La souplesse est notre seule chance, l’inclusion du tumulte, l’acceptation des limites de notre contrôle, la jachère de l’intranquillité qui offre à nos existences une parcelle désordonnée et féconde. Notre seule chance qu’il y pousse quelque chose que nous n’aurions pas imaginé. »
Marion Muller-Colard dans « L’intranquillité » chez Bayard « J’y crois », pages 13/14.
« Au berceau, déjà, l’inconfort, l’inquiétude, l’angoisse… L’intranquillité dans tous ses états. La vie, puissante, majestueuse, tranchante. La vie sans concession et sans demi-mesure. Aucun de nous n’aura fait l’expérience de naître à moité. Aucun de nous ne fera l’expérience de mourir à moitié. De bout en bout, la vie, entière et exclusive. Nous apprendrons à mettre de l’eau dans le vin, mais la vie, elle, restera tout ou rien. Nous en prendrons plein la vue, plein les poumons, plein le coeur. Car quelque chose nous saisit qui s’appelle exister – sortir de soi, être expulsé, séparé. On nous regarde, on nous dit tu, et il nous faudra une vie pour répondre je. Une vie pour admettre que nous avançons à découvert, qu’il n’y a pas d’autre peau que la sienne entre soi et le monde. »