Fille

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"Toi, la deuxième, tu déroutes. "C'est encore une fille": tu es une nouvelle décevante. On ne t'attendait pas. Ta soeur n'inaugurait pas le choix du roi, mais toi tu n'es même pas le choix de la reine. Tu n'es pas une princesse. Ton père a fait le déplacement, pourtant. Impatient, il assiste à ta naissance. Cela ne se pratique guère encore, dix ans avant Mai 68; les pères sont tenus à distance du sexe dilaté des femmes, de la douleur qui se réveille en elles dans un parfum de merde et de sang, de leurs gémissements de bête qui crève en se vidant. Ils ne s'en remettraient pas, dit-on, voir les rendrait impuissants."

"Fille" de Camille Laurens chez Gallimard, NRF, page 17.

De l'adolescence

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"L'adolescence est un âge où la perception de soi est mise à mal. Cela s'explique peut-être ainsi: bien souvent, l'enfance est un royaume où l'on est le centre du monde. Sans le vouloir, les parents gonflent de manière disproportionnée l'égo de leur progéniture. Ils accourrent au moindre besoin, jugent génial n'importe quel gribouillage et s'extasient sur des chorégraphies ridicules. Bref, l'enfant a le sentiment d'être touché par la grâce, et se fracasse lamentablement, ensuite, dans la vérité de l'adolescence: il n'est que lui. Il y aurait sûrement beaucoup moins de crises pubertaires si l'on plongeait les humains dès le plus jeune âge dans une réalité moins narcissique. (...) L'adolescent pense craindre l'avenir, alors qu'il souffre de la disparition du passé."

David Foenkinos dans "La famille Martin" chez Gallimard, nrf, page 76

Le progrès

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"Le progrès ne résout rien en définitive; il complique même souvent les problèmes, bien qu'il soit en même temps un progrès... Le chirurgie la plus élaborée ne supprime pas la mort. Le psychanalyse ne résout pas l'angoisse humaine et n'en épuise pas les manifestations toujours rejaillissantes. " L'expansion" soulève de nouveaux conflits. L'humanité moderne, si solidaire dans la perception réciproque, présente un visage plus contrasté que jamais dans l'histoire: les gens qui crèvent littéralement de faim dans les bidonvilles à côté des philosophes, sociologues et magnats de la culture, dans la banlieue d'une grande ville où se côtoient le soir, (...) les voitures de luxe et l'insupportable misère..."
 
Marc Oraison dans "Tête dure" pages 16/17 aux éditions du Seuil.
 
 

Quand tu ne sais pas ...

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"Quand tu ne sais pas où tu vas, souviens-toi d'où tu viens" affirme un proverbe africain. Voici un livre qui va dans le sens de cette affirmation:

 

Demain la France

de Xavier Patier

204 pages - août 2020

18,00€

1970. Le 1er septembre meurt François Mauriac, la voix du catholicisme engagé. Le 9 octobre décède Edmond Michelet, la figure de la Résistance chevaleresque. Le 9 novembre s’éteint Charles de Gaulle, l’icône de la France éternelle. Âgé de douze ans, l’adolescent Xavier Patier vit en direct ces événements nationaux qui sont pour lui, en raison des liens du sang, d’abord des drames familiaux.

 

2020. L’écrivain Xavier Patier se souvient. Un demi-siècle a passé, et cette séquence funèbre a inauguré une crise historique des trois vertus théologales. La foi de Mauriac a cédé la place à la tentation identitaire. La charité de Michelet, à la confusion émeutière. L’espérance de De Gaulle, au culte décliniste. Ce que je crois a tourné à « D’où suis-je ? ». Contre la guerre civile, à « Vive l’incivilité ! » Et les Mémoires d’espoir, à « La France qui dévisse ». Les élites ont dès lors beau jeu d’incriminer le populisme. Le désarroi est là.

 

Et si aller de l’avant nécessitait de regarder en arrière ? Conjuguant au futur la remémoration du passé, Xavier Patier ouvre aujourd’hui les tombeaux qu’il a vu hier se fermer, afin que nous nous rouvrions aux vertus qu’ils recèlent et qui, elles, ne sauraient mourir.

 

Une exhortation à l’amour du pays entrelaçant une chronique intime et une méditation historique, servies par une écriture d’exception.

 

Écrivain engagé dans son temps, Xavier Patier est l’auteur d’une oeuvre remarquée qui comprend des romans, couronnés entre autres par le prix Chardonne et le prix Nimier, ainsi que des essais, dont au Cerf " Blaise Pascal, la nuit de l’extase et Heureux les serviteurs".

Il y a 104 ans...

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Il y a 104 ans Charles Péguy a écrit le texte suivant:

Les armes de Satan c’est la vie et la mort,
C’est le péril de mer, c’est l’homme dans son tort,
Le voleur aux aguets, le tyran dans son fort ;

Les armes de Jésus c’est la vie et la mort,
C’est Dieu dans sa justice et Satan dans son tort,
La beauté du plus pur, le juste dans son fort ;

Les armes de Jésus c’est la vie et la mort,
C’est l’enfant et la femme et le secret du sort,
Le navire acouflé dans le recreux du port ;

Les armes de Satan c’est l’homme qui dévie,
C’est les deux poings liés et c’est l’âme asservie,
C’est la vengeance inlassablement poursuivie ;

Les armes de Jésus ce sont les deux mains jointes,
Et l’épine et la rose et les clous et les pointes,
Et sur le lit de mort les pauvres âmes ointes ;

C’est le chœur alterné des martyrs et des saintes,
C’est le chœur conjugué des sanglots et des plaintes,
Le temple, les degrés, les pilastres, les plinthes ;

Les armes de Satan c’est le vert térébinthe,
Cet arbre résineux et c’est la coloquinte,
Cette citrouille amère et c’est la morne absinthe ;

Les armes de Satan c’est les deux poings liés,
Les armes de Jésus les cœurs humiliés,

Les pauvres à genoux, les suppliants pliés

Charles Péguy, désigné comme « Huitième jour de la neuvaine de Sainte Geneviève pour le Vendredi 10 Janvier 1913 », rue des Dames,
Œuvres complètes de Charles Péguy, vol. 6, Nouvelle Revue Française, 1916.

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