A lire et faire lire sans modération

Rédigé par yalla castel - - 1 commentaire

"Promenade autour d'Hoan Kiem" est un livre de Philippe Mary. Jean est le personnage fil conducteur de ce roman historique.  Son père, Français de Normandie, perd dans un bombardement anglo-américain une partie importante de sa famille. Il se retrouve un peu perdu à la libération. Il erre un peu paumé dans un pays ravagé par 5 ans de guerre. Il finit par s'engager dans l'armée française. Il participe à la guerre d'Indochine. Et c'est dans ce pays qu'il rencontre une jeune femme. Ils se marient. Ils ont des enfants. La guerre d'Indochine terminée: retour en France. Jean y naît, y grandit, va à l'école. Très vite s'installe en lui un sentiment de différence avec les enfants de son âge. Il n'est pas tout à fait pareil. Il est très "eurasien". En dedans et au dehors, il y a en lui de la France et de l'Indochine. Le livre est donc une quête d'identité, un chemin de réconciliation avec les siens appartenant à deux mondes différents, deux cultures différentes. J'ai aimé dans ce livre les faits historiques rapportés par l'auteur, les descriptions des êtres humains emportés par les tourmentes de l'Histoire. Ce livre n'est pas un règlement de compte, il n'y a pas les bons et les méchants. Il y a des hommes et des femmes qui font face des deux côtés à des drames historiques. Ils choisissent la liberté de s'aimer malgré tout, de se sauver mutuellement. Jean sauve la vie d'une jeune femme qui plus tard sauve le jeune homme qui l'a sauvée. A eux deux, ils ne sombrent pas dans l'inhumanité des guerres. Ils sont emportés par la tourmente des événements qui leur échappent mais ils sauvent leurs âmes. Ils fabriquent de la vie, de l'espoir, de l'espérance. La vie l'emporte sur tout. Parce qu'ils ont choisi la liberté de s'aimer. Et ont su s'y tenir jusqu'à leur dernier souffle. Ce livre est bon pour le moral. Il nous invite à porter un autre regard sur le monde d'hier et d'aujourd'hui. A lire et faire lire sans modération.

 

Colibri Cx

 

Etre libre malgré tout

Rédigé par yalla castel - - 12 commentaires

PERDONS-NOUS NOTRE TEMPS EN PRISON ?

Stéphane FUCHS

Porte parole des détenus, écrit entre mars et mai 1944 au quartier cellulaire d’Eysses où se trouvent les otages après l’échec de l’évasion du 19 février 44.

Si ce titre peut paraître à la majorité d’entre nous une plaisanterie d’un goût douteux, je tiens cependant à le mettre en évidence car il pose d’emblée un problème auquel je ne crois pas inutile de réfléchir. A l’heure où de grands évènements se préparent, à l’heure où l’aube de la libération semble proche et où toutes les énergies vont être nécessaires à la France pour chasser l’envahisseur, nous ressentons plus que jamais la douleur d’être inutiles, impuissants, enfermés.

Nous sommes fiers, mais aussi un peu jaloux en pensant aux exploits des groupes francs et des maquisards qui peuvent participer autrement, glorieusement à la lutte, alors que nous nous engourdissons physiquement et moralement. A l’heure où s’ouvriront enfin les portes, quelle part pourrons-nous prendre à la lutte ? Arriverons-nous après la bataille comme les carabiniers d’Offenbach ? Serons-nous amoindris, incapables de tenir la place que nous voudrions au côté de nos frères endurcis par des années d’action ? Pourrions-nous au contraire tirer de cette expérience des ressources nouvelles et apporter une contribution active à cette oeuvre de libération et de reconstruction ? Peut être cela dépend-il un peu de nous, même dans les conditions où nous nous trouvons.

Physiquement certes, le résultat n’est pas heureux. Après une cure prolongée d’amaigrissement intensif, nous sommes heureusement soumis à un régime, incomplet certes, mais substantiel. Un régime qui fait même engraisser. Mais, attention “graisse n’est pas santé” comme disaient nos aïeules, on peut être bardé de lard et incapable du moindre effort soutenu, essoufflé par une course de quelques mètres, brisé par le moindre travail musculaire. Le manque d’exercice, le fait de rester allongé ou assis des journées entières en sont la cause. A nous de réagir , de faire de la culture physique, de la course à pied dans nos modestes préaux. A nous maintenant qu’il fait chaud de nous doucher et de nous frictionner énergiquement pour activer la circulation. Nous n’atteindrons peut-être pas ainsi la grande forme mais nous serons capables de reprendre vite notre place et nous y aurons gagné au moins de bonnes habitudes et une victoire de notre volonté.


Est-ce là tout ? Certes nous désirons tous vivement nous asseoir bientôt devant une table bien servie avec un menu copieux et bien cuisiné et une bonne bouteille. Nous rêvons béatement après notre gamelle de veau à une tasse de bon café , à un petit verre et à notre pipe. Mais tous aussi, je le crois, nous avons appris à ne pas être des esclaves de ces plaisirs. Nous saurons sans hésiter et presque sans y penser nous priver de tout si les besoins de la lutte l’exige. Nous saurons que bien peu de choses sont indispensables. Et plus tard même, si l’économiebouleversée de la France l’impose  nous saurons mieux qu’avant, nous passer de tous ces produits rares ou importés que nous pouvions croire nécessaire à notre bonheur : les vins et tabacs étrangers, le thé, le café, les épices et les fruits exotiques, et bien d’autres choses. Nous aurions ainsi gagné de n’être plus les esclaves de certaines habitudes et de certains goûts sans lesquels nous croyions bien autrefois ne pouvoir subsister ni être heureux.

Nous entendons parfois autour de nous des camarades se plaindre “on s’abrutit en prison... on s’empoisonne en cellule”. Sans être dépravés au point de vouloir affirmer qu’on rigole et qu’on devient des aigles, nous pouvons constater cependant que ceux qui s’ennuient toujours, sont ceux qui sont incapables d’un effort sur eux même. La vie en cellule est une vie au ralenti, mais de ce fait, elle revêt des caractéristiques bien différentes de celles que nous menons en liberté. Elle ne peut même pas se comparer à la vie des vacances où le nombre de possibilités d’action exclut tout calme intérieur. La vie de cellule avec son rythme lent, les horaires sans imprévus, les distractions plus que limitées donnent aux actes et aux évènements une valeur anormale. Nous le constatons encore lorsque nous prêtons l’oreille à des “ Radio tinette”. Malgré que nous sachions fausses les nouvelles, bonnes ou mauvaises, qui nous sont transmises, malgré que nous tenions à faire preuve vis à vis de nous même et des autres d’un réalisme raisonnable, nous en subissons tout de même un peu l’influence dans la monotonie d’une vie où chaque détail prend figure d’évènement . Cependant, ce qui est un défaut peut devenir une qualité et notre vie intellectuelle toute entière peut en tirer avantage.

La lecture en effet, reste pour la plupart d’entre nous le grand passe-temps. Nous lisons, nous dévorons même tout ce qui nous tombe sous les yeux. Il y a du bon, du mauvais, du médiocre, du stupide, il y a du roman pour fillette sentimentale et de la métaphysique, il y a du théâtre classique et des livres de science. De cela, nous ne choisissons rien ou presque, nous absorbons tout faute de mieux. Bien plus, comme nous en avons le temps, nous apprenons à bien lire. Non seulement nous ne rejetons plus des ouvrages que jamais nous aurions eu l’idée d’ouvrir autrefois (dans la vie libre) mais nous ne sautons plus des pages ou des chapitres. Et à lire ainsi nous faisons quotidiennement des découvertes : tel livre d’aspect ardu est en réalité plein de vie, tel autre si stupide contient cependant un passage curieux, une idée intéressante, tel ouvrage traitant d’une science qui nous était inconnue ou indifférente nous ouvre des horizons nouveaux sur un domaine insoupçonné, et déjà nous voudrions l’explorer plus complètement et nous nous disons : “plus tard...” et nous ajoutons avec prudence et pourtant un peu de regret: : “...si j’ai le temps”. Savoir lire ! Quelle source inépuisable de joie. Mais pour savoir lire, il faut s’entraîner à le bien faire. Lire bien, ce n’est pas parcourir en vitesse une histoire en sautant les passages qui paraissent ennuyeux ou secondaires. Lire bien, ce n’est pas chercher dans un livre qu’on a choisi ce que l’on veut y trouver : la solution d’une intrigue ou la confirmation d’une thèse. Lire bien, ce n’est pas non plus lire mot à mot comme un enfant épelle. Mais devant un livre, savoir faire momentanément abstraction de sa personnalité et entrer résolument dans le chemin tracé par
l’auteur. Non pas traîner sur les chapitres secondaires mais, par contre, en lisant tout, savoir ralentir sa pensée et fixer son attention sur les choses intéressantes ou originales. Sur le chemin où nous mène l’auteur, les plus belles fleurs peuvent être cachées, il faut, tout en marchant d’un bon pas, garder l’oeil vigilant, savoir les apercevoir aupassage, savoir ralentir  pour les cueillir. Voilà une occupation d’ordre supérieur à laquelle bien peu d’entre nous ont eu le temps de se livrer autrefois. La vie quotidienne (en liberté) a des exigences qui excluent bien des satisfactions. Mais ici, nous pouvons nous livrer à cet entraînement intellectuel très agréable malgré le maigre choix de nos lectures, et plus tard libre nous aurons retrouvé la joie de lire le livre de notre goût, nous saurons mieux qu’avant en savourer toutes les beautés. Et ainsi, nous n’aurons peut-être pas tout à fait perdu notre temps...en cellule ! (La lecture, la conversation sont les deux grandes occupations de notre vie recluse).

Conversations, bavardages avec nos compagnons, c’est là que la plupart d’entre nous peuvent constater combien les relations que nous avions avec les autres étaient superficielles lorsque nous étions libres. Libre, nous fréquentions, et c’était bien naturel nos amis et nos compagnons de travail, chez tous plus ou moins, nous retrouvions la même préoccupation et par là, la même opinion liée au milieu commun dans lequel nous évoluions. Les autres, nous ne les évitions pas, mais c’étaient les occasions de les rencontrer et surtout de pouvoir parler librement de tout qui étaient rares. Ici nous sommes réunis à la fois par la force des évènements et par une grande communauté de base dans nos idées. Tout, bien souvent dans la vie nous aurait séparé, nous avons évolué dans des milieux différents pratiqué des professions diverses, nous avons eu des goûts, des activités, des préoccupations de toute nature. Nous avons réagi de manières différentes aux grands problèmes de la vie. Libre, nous étions souvent surpris de voir les autres penser autrement que nous, nous les désapprouvions,souvent nous étions prêt à entrer en lutte  contre eux. Presque jamais nous n’avions le temps ni la volonté devraiment chercher à les connaître et à les comprendre. Ici tout nous rapproche. A la fois les petites misères de la vie quotidienne et les principaux parmi les grands problèmes de demain. Ici nous pouvons et nous avons le devoir de parler librement.... Et nous en avons le temps... amplement. Apprendre à se connaître est une joie et un devoir. C’est une joie, car en chaque homme que nous découvrons, il y a quelque chose que nous ne possédons pas et dont nous pouvons tirer à tous points de vue un grand profit : c’est la somme de ces expériences passées etde ces réactions humaines devant  la vie. C’est un devoir aussi d’apprendre à nous connaître, car ce n’est pas seulement demain, c’est dès aujourd’hui que doit commencer le grand travail de reconstruction de la France. Et la France ne sera libre, forte et heureuse que dans la mesure où tous les hommes de bonne volonté sauront s’unir dans un même effort de compréhension. Se connaître pour pouvoir se comprendre, se comprendre pour pouvoir s’estimer. Et voilà déjà un grand moyen d’éclairer l’avenir. Que ceux qui n’ont pas profité de leur séjour enprison pour faire cet effort bien  facile comprennent qu’ils ont perdu une occasion unique d’ouvrir leur esprit et de servir  la France, qu’ils ont perdu en outre une des seules vraies joies que puisse nous offrir la vie de réclusion, en un mot que par leur faute ils ont perdu leur temps et failli à leur devoir.

Lire, bavarder, travailler ! Voilà évidemment un programme, mais nous savons tous qu’il n’est pas toujours applicable. Lorsque l’on en a épuisé toutes les ressources, on se retrouve alors souvent seul avec ses pensées, et ces pensées si l’on n’ y prend garde, risque de faire la ronde et d’affaiblir le moral. Savoir conduire ses pensées, sans bavarder avec soi même, est un art précieux pour le prisonnier, celui surtout qui est en cellule. Ne pas se laisser aller à la rêverie stérile et parfois dangereuse, ne pas se laisser aller à l’hébétitude animale qui divise les jours au rythme régulier des gamelles et des promenades. Si vraiment ils ont su employer ces journées et ces nuits de solitude à penser et non à rêver, je suis certain que beaucoup d’entre nous se retrouvant libres en face des préoccupations et des joies normales de la vie, se rendront compte que toutes les choses leur apparaissent sous un aspect bien différent.

Que de petits riens que nous ignorions parce qu’ils étaient quotidiens et qui nous paraîtront des joies : joie de la table servie en rentrant du travail, joie de la bonne odeur du pot au feu qui bout, joie de la soirée en famille, joied’un bon lit au draps  blancs, joie de la rue, joie du chez soi, joie même de savoir goûter ces plaisirs que l’on méconnaissait et de connaître enfin toutes leurs valeurs. Et nous aurons confusément l’idée que ceux qui n’ont pas été en prison ne peuvent pas jouir comme nous de tous ces trésors qu’ils ignorent.

Plus complexe, plus grave aussi est le problème de la liberté. Chacun autrefois se croyait plus ou moins entravé, bridé par les autres, par la société, par la vie quotidienne; chacun soupirait vers une liberté idéale et voyait partout des entraves. Ah, comme elles lui paraîtraient légères maintenant ces chaînes qu’il voulait secouer. Seul celui qui a médité en prison saura goûter pleinement toutes les libertés : liberté de la fenêtre ouverte, liberté de la clef de chez soi que l’on a dans la poche, liberté du dimanche matin, liberté du travail terminé et même du travail qui commence, et la liberté si douce d’un tendre sourire qui nous accueille en rentrant chez soi, et toutes les libertés enfin qui du matin au soir et du soir au matin illuminent les souvenirs de ceux qui ne les connaissent plus. Chère et douce liberté, comme nous vous chérissons, comme nous saurons aimer plus tard tout ce qui mérite d’être aimé. Car l’amour comme le bonheur, comme la liberté se trouvent partout. C’est devenu un lieu commun de le dire et, parce que c’est un lieu commun, beaucoup oublient que c’est vrai et que cela implique une certaine manière de le chercher. Comme un paysage trop connu que l’on ne voit plus, comme un parfum trop constant que l’on ne sent plus, combien de trésors ont été ainsi gaspillés, combien de sourires ont été perdus. Tous ces sourires de la vie, nous pouvons y penser maintenant, il faut même que nous y pensions, il faut que reprenant une à une toutes les grandes valeurs humaines, nous les reconsidérions non plus sous l’angle de la routine et de l’entraînement à la banalité quotidienne, mais par rapport à notre vie la plus intime et la plus profonde. Il faut que demain, ouvrant les yeux sur sa liberté toute neuve, chacun puisse se dire : “maintenant j’ai compris”, “je sais où sont la vrai liberté, le vrai amour et le vrai bonheur”, “je sais qu’il ne faut pas attendre passivement qu’ils nous viennent d’ailleurs, des autres, de la société, du ciel ! Je sais que c’est en nous d’abord qu’il faut les découvrir. Ils seront tels que nous les feront et cela il faut que mes enfants aussi le sachent, que tous les enfants de France le sachent”.

Une France libre, forte, heureuse. C’est peut être une simple formule pour bien des gens qui jamais n’ont eu l’occasion d’y réfléchir, mais pour celui qui entre les murs d’une cellule a pris la peine de se pencher sur ces pensées, ces mots sont une réalité rayonnante digne de tous les sacrifices. Ils l’avaient bien compris ceux qui tombèrent héroïquement et qui pour toujours nous montrent notre chemin et notre devoir.


Stéphane FUCHS

Porte parole des détenus, écrit entre mars et mai 1944 au quartier cellulaire d’Eysses où se trouvent les otages après l’échec de l’évasion du 19 février 44.

Ce jour là était un dimanche

Rédigé par yalla castel - - 17 commentaires

Ce jour là, c'était le dimanche 13 mai 2018. Ce matin là, je me suis levé à 6 h. Je voulais avoir un entretien avec le plus jeune de mes enfants engagé volontaire dans un régiment de parachutiste. Car j’avais lu l’info d’un nouvel attentat à Paris le samedi soir avant de me coucher. Pendant qu’il se préparait pour rejoindre son régiment, je lui ai dit  de faire attention à lui et à ses camarades. Dans le cadre des opérations sentinelles auxquelles ils participent. Je sais que certains de son régiment se sont portés volontaires pour le Mali, le Niger et la Syrie. Et que probablement il les suivra. Beaucoup de jeunes comme lui sont déterminés et prêts à défendre notre pays et son mode de vie. Je ne lui ai pas dit que Macron c’est nous. Que notre nouveau président est le fruit amer de la gauche divisée et de la droite divisée. Je ne lui a pas dit que le terrorisme c’est nous. Le résultat des politiques Américaines, Anglaises que nous avons suivies et auxquelles nous avons même participé militairement. Il m’aurait répondu  "Papa j’étais pas né, on peut pas laisser faire ça!". Et bien entendu je ne lui ai pas parlé du philosophe Alain. Ni de l'écrivain Jean Giono. Je l’ai regardé partir: heureux,debout, vivant, prêt à rejoindre son régiment après un week-end paisible en famille avec son frère, ses soeurs, son neveu,ses nièces et nous. Ainsi soit-il.

Colibri Cx

Quand les blés sont sous la grêle

Rédigé par yalla castel - - Aucun commentaire

Quand les blés sont sous la grêle fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat

Certains pensent que les Français sont des veaux, massivement crétins et lâches. En début de semaine un militant de gauche déçu que son candidat ne soit pas élu m’a qualifié de blaireau, expression qu’il utilise souvent à l’encontre de celles et ceux qui ne partagent pas ses convictions. Face aux dangers nous nous divisons. Nous n’arrivons pas à trouver un minimum de points d’accord. C’est dommage. Notre pays mérite mieux.

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle la sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle l’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel a le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes de Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle la rose et le réséda

Louis Aragon
Mars 1943

Fin des guerres ou guerres sans fin?

Rédigé par yalla castel - - 6 commentaires

Les guerres d’aujourd’hui, appelées parfois guerres humanitaires ou guerres atypiques ou guerres hybrides ou conflits basse tension parce qu’il n’y a pas d’embrasement général, font toujours des victimes civiles malgré les frappes chirurgicales et le souci affiché par les militaires professionnels de ne pas faire de morts inutiles.

Il n’y a pas de manifestations de masse et d’ampleur contre les guerres en cours.

Sans doute parce que ces guerres sont faites au nom de la liberté, de la défense de notre civilisation, de la lutte contre le terrorisme et parce que les militaires qui se font tuer sont des professionnels, pas des soldats du contingent. Sans doute parce que les victimes « comptent » peu au regard des 7 milliards d’êtres humains qui peuplent la Terre.

Soldat reste de nos jours encore le plus vieux métier du monde. Et un métier d’avenir.

Beaucoup de personnes affirment qu’il y a toujours eu des guerres et qu’il y aura toujours des guerres. Le conflit israélo-palestinien qui dure maintenant depuis 70 ans, la guerre contre le terrorisme qui dure maintenant depuis 17 ans, leur donnent raison. Allons-nous vers une nouvelle forme de guerre de 100 ans ?

Pour toutes ces raisons et d’autres encore que j’ai oubliées ou pas perçues, rares sont les personnes qui affirment que nous devrions arrêter de faire la guerre et chercher d’autres moyens d’éviter les conflits. Quelques détails de l’histoire contemporaine font pourtant espérer un avenir sans guerre.

Ghandi a mené l’Inde vers l’Indépendance sans déclencher une guerre contre l’Angleterre. Martin Luther King Jr a défendu l’émancipation des Noirs sans entrer en guerre contre les Blancs. Nelson Mandéla a mis fin à l’apartheid sans déclencher une guerre civile. L’ex-Urss a mis fin au communisme sans provoquer un bain de sang. L’IRA a renoncé à la lutte armée, l’ETA a déposé les armes ainsi que le FNLC.

Ces détails de l’Histoire contemporaine m'ont donné l'envie de lire  Stanley Hauerwas. Il affirme que le temps est venu d’abolir la guerre comme le 19 ième siècle a aboli l’esclavage.

Il s'en explique dans un livre qui a pour titre "L'Amérique, Dieu et la guerre" publié chez Bayard dans la collection "Labor et fides". L'auteur est né en 1940 au Texas. Il est de religion méthodiste. Il est théologien et professeur de droit. Il vit et enseigne aux USA.

Son livre de 450 pages est composé de trois parties:

1. L'Amérique et la guerre.

2. La liturgie de la guerre.

3. La différence écclésiale.

A l'intérieur de ces trois parties voici quelques titres de chapitres: Le Dieu de l'Amérique, Pourquoi la guerre est une nécessité pour l'Amérique, Un appel à abolir la guerre, Martin Luther King Jr et la non violence chrétienne, La Pentecôte: apprendre les langages de la paix, Au-delà des frontières: l'Eglise est mission.

Ce livre est une invitation faite aux croyants du monde entier: cessez de vous tuer les uns les autres. Préparez la paix, abolissez la guerre, parlez-vous!

 

 

Morceaux choisis

"Voir "L'Amérique, Dieu et la guerre" traduit en français est pour moi une surprise, dont je suis fier, ainsi qu'un léger motif d'inquiétude. (...) Je suis un peu inquiet car j'ignore comment ce livre sera reçu en France." (Page 13)

"J'aime l'Amérique et j'aime être américain. (...) Mais je suis chrétien. Je ne puis méconnaître le fait que le christianisme américain n'a pas été ce qu'il aurait dû être dans la mesure où l'Eglise n'a pas su distinguer entre le Dieu de l'Amérique et le Dieu que nous vénérons en tant que chrétiens." (Page 78)

"Mais, chers concitoyens, la guerre que nous menons, nous ne la menons pas seulement pour nous-mêmes; elle concerne tout le genre humain. En mettant  fin à l'esclavage ici nous ouvrons les portes de fer dans le monde entier et nous libérons les opprimés. Et ce n'est pas tout. En sauvant la république, nous sauverons la civilisation." (Charles Summer, cité page 102)

"Que le XXI ième siècle soit pour la guerre ce que le XIX ième a été pour l'esclavage, le siècle de son abolition, et que les chrétiens soient à l'avant-garde d'une telle réalisation." (Page 131)

"La guerre est une force qui nous donne un sens". (Chris Hedges, correspondant de guerre, cité page 164)

"Il faudra peut-être que coulent des rivières de sang avant que nous accédions à notre liberté, mais ce sang doit être le nôtre." (Gandhi cité page 236)

"Le vrai pacifisme n'est pas une soumission irréaliste au pouvoir du mal. Il est plutôt une manière courageuse de se confronter au mal à l'aide du pouvoir de l'amour, grâce à la conviction qu'il vaut mieux être celui qui subit la violence que celui qui l'inflige." (Martin Luther King Jr cité page 239)

"Je pense que l'une des grandes frustrations de l'existence est que  nous passons notre temps à tenter d'achever ce que qui est inachevable. (...) L'existence n'est qu'une suite de rêves irréalisés." (M.L.King Jr cité page 252)

"Les auteurs de l'Ancien Testament pensaient que les êtres vulnérables méritaient une attention spéciale. Ils voyaient clairement que la veuve, l'orphelin, le résident étranger et le pauvre ne sont pas seulement sujets à l'injustice mais qu'ils sont, de façon disproportionnée, les victimes de celle-ci". (Page 283)

"La justice ne sera possible que lorsque les riches et les puissants seront guéris de leur attachement aux richesses et au pouvoir." (Page 286)

"On ne devrait jamais traiter des personnes, des êtres humains comme s'ils avaient moins de valeur qu'ils n'en possèdent; on ne devrait jamais les traiter avec un manque de respect, ne jamais les avilir." (Wolterstorff cité page 293)

"Le plus grand antidote à la violence est la conversation, le fait d'énoncer nos craintes, d'écouter les craintes des autres et de découvrir ainsi dans ce partage de nos vulnérabilités le commencement d'un espoir." ( Jonathan Sacks cité page 299)

"L'universalisme (...) ne constitue pas une conception adaptée à la situation humaine. Une culture globale peut susciter beaucoup de bonnes choses, mais, du point de vue de Sacks , de telles cultures, surtout quand elles prennent la forme d'empires, font beaucoup de mal parce qu'elles se révèlent incapables de reconnaître les différences." (Page 302)

"Notre capacité partagée de faire le mal est infiniment plus grande que notre capacité à faire le bien." (Bauman cité page 314)

"Notre humanité dépend de notre capacité à nous parler les uns aux autres." (Page 318)

"La position morale des chrétiens paraîtra toujours déraisonnable, fondée comme elle est sur la vertu de l'espérance." (Page 330)

"Le pardon est la capacité à laisser aller, et sans lui nous mettons à mort ce que nous aimons. Tout pardon répare quelque chose de brisé dans ce monde fracturé." (Page 338)

"L'Eglise du futur devra tirer sa force morale non de sa présence internationale mais de sa prétention à représenter les gens dans leur situation locale et distincte des ramifications mondiales de leur existence en tant que membres du marché global. (...) L'Eglise du futur reposera, comme le deuxième concile du Vatican l'avait prévu, entre les mains des évêques. Ce seront les évêques plutôt que la papauté qui mettront en question la prétention du marché mondial à représenter et à épuiser le monde humain." (Page 348)

" La loi du marché dépouille les travailleurs d'un travail productif, condamne les forces laborieuses à la privation économique et aggrave les inégalités de fortune et de revenu telles que les sociétés se tranforment en tissus de groupes d'intérêts antagonistes et rivaux. " (Page 360)

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